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Il y a quatre ans, le Parlement européen créait la commission spéciale Pest, en réaction au scandale des Monsanto Papers. Sa mission : enquêter sur les pesticides dans l’Union européenne (UE), de leur utilisation à leur homologation, en passant par leurs effets sur la santé humaine et la biodiversité.
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Il y a quatre ans donc, en 2019, cette commission spéciale proposait 109 recommandations à mettre en place pour réguler les pesticides dans l’Union européenne. Quatre ans plus tard, le constat est accablant. Seules 15 % des 109 recommandations votées au Parlement européen ont été suffisamment mises en place et 28 % l’ont été partiellement ou insuffisamment. Autrement dit, 57 % des mesures n’ont pas été appliquées et parfois même, dans un nombre limité de cas, la « situation a empiré ».
C’est en tout cas ce que révèle le rapport de PAN Europe* commandé par six anciens membres de cette commission spéciale qui ont décidé, jeudi 27 avril, de se rassembler – avec d’autres parlementaires, membres de la commission et diverses associations – pour faire l’examen de leur propre action politique.
PAN Europe a d’abord observé les 109 recommandations et en a déduit qu’elles convergeaient vers cinq grands objectifs :
– établir un cadre réglementaire qui encourage la réduction et la surveillance des pesticides dans le contexte du Green deal de l’UE ;
– remédier aux dysfonctionnements de l’évaluation des risques pour mieux évaluer la toxicité des pesticides, garantir une évaluation des risques indépendante, objective et de qualité ;
– respecter le principe de précaution et le niveau élevé de protection de la santé humaine et animale ainsi que de l’environnement, tels que définis dans le droit de l’UE ;
– remédier aux déficiences en matière de transparence qui entravent l’examen public des procédures d’autorisation des pesticides.
L’organisme a ensuite évalué la mise en œuvre par la Commission européenne, l’Efsa (Agence européenne de sécurité alimentaire) et les États membres de chaque recommandation selon ces objectifs.
Ainsi, par exemple, pour le premier objectif, certaines mesures ont été mises en place comme la demande d’« amélioration supplémentaire des statistiques sur l’utilisation des pesticides » grâce à la mise à jour des règles relatives à l’établissement de statistiques pour l’agriculture de l’UE.
En revanche, du côté des recommandations concernant la non-approbation des substances actives et des produits phytopharmaceutiques pour la dessiccation et la mise en place d’un système de vigilance post-commercialisation pour surveiller les impacts réels des pesticides sur l’homme et l’environnement, n’ont pas été suivies d’effet.
Et ce cas n’est pas isolé. Pour chaque objectif, PAN Europe relève du « bon » et du « moins bon ». Mais une conclusion s’impose néanmoins :
« La santé et l’environnement sont sérieusement à risque en raison de l’utilisation actuellement faite des pesticides. Notre stratégie présente 10 priorités que la Commission et les États membres doivent mettre en œuvre de toute urgence pour atteindre le niveau de sécurité exigé par la réglementation européenne. Ces actions incluent l’amélioration de la transparence, de l’indépendance, de l’objectivité et de l’expertise dans les procédures d’évaluation des risques, ainsi que la révision des documents et règles directrices ».
C’est pourquoi, PAN Europe a établi une feuille de route en 10 points pour les États membres, 10 priorités pour accélérer la régulation sur les pesticides, comme cela avait été acté il y a quatre ans.
L’organisme recommande ainsi dans un premier temps d’« appliquer le principe de précaution et d’assurer un haut niveau de protection de la santé humaine, de la santé animale et de l’environnement conformément aux dispositions du droit de l’UE. Les États membres et la Commission européenne doivent également prendre des mesures préventives dès l’apparition des premières preuves d’un préjudice potentiel ».
Deuxième étape pour PAN Europe : « Appliquer strictement les approches fondées sur l’analyse des risques et les critères d’approbation ». En d’autres termes, interdire immédiatement les substances actives ne répondant pas aux critères d’agrément en matière de santé humaine et/ou d’environnement ou encore mettre fin à l’utilisation des « autorisations d’urgences » pour les produits contenant des substances qui ont été interdites dans l’UE en raison de préoccupations pour la santé humaine et l’environnement.
Dans un troisième temps, PAN Europe recommande de renforcer l’évaluation de la toxicité des pesticides, notamment en prenant en compte les effets cocktails. PAN Europe préconise, aussi, pour assurer l’objectivité et la fiabilité des études et données utilisées pour les évaluations de risques, de donner plus de poids aux études scientifiques indépendantes évaluées par des pairs.
L’organisme recommande également d’assurer l’indépendance du processus d’évaluation des risques des pesticides et de renforcer la transparence sur les travaux de la Commission européenne et la position des États membres.
Enfin, PAN Europe propose de « réduire significativement l’utilisation de pesticides de synthèse et les remplacer par des alternatives non chimiques et écologiques plus sûres conformément à la proposition de règlement sur l’utilisation durable des pesticides (SUR) » ; de mieux protéger le grand public et les groupes vulnérables de l’exposition aux pesticides (en créant, par exemple, des zones tampons d’au moins 100 mètres autour des zones sensibles et d’au moins 50 mètres autour des maisons, des jardins et des routes) et enfin interdire l’exportation de tous les pesticides interdits par l’UE.
Eglantine Puel
Lire aussi : Les alternatives aux pesticides de synthèses : l’enjeu clé du règlement « SUR »
* Pesticide action network est un réseau de plus de 600 organisations non gouvernementales, institutions, organismes de recherche et individus dans plus de 60 pays à travers le monde travaillant à minimiser les effets négatifs des pesticides dangereux et à remplacer leur utilisation par des alternatives écologiquement
saines et socialement justes.