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“Un livre sec, vif, un petit coup de gueule sur la bouffe, en France, aujourd’hui. Le bio, le “sans” , la bidoche, le commerce et la réalité sociale.” C’est ainsi que Frédéric Denhez, journaliste d’origine nordiste, notamment chroniqueur pour “C dans l’air” sur France 5, introduit son dernier livre, Alimentation, stop à la désinformation. Son enquête sur le système alimentaire par ses aspects agricoles, environnementaux et socio-économiques est sortie en juin 2020. Interview.
Frédéric Denhez : C’est une espèce de condensé de mes précédents livres (Acheter bio, à qui faire confiance ? ; Le bio au risque de se perdre ; La cause végane, un nouvel intégrisme ?) sur le bio et – en partie – le véganisme. J’avais envie d’alerter sur les régimes d’exclusion à la mode, d’une part pas forcément sains, et d’autre part pas accessibles à tous. Il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui, des millions de Français n’ont pas les moyens de manger bio ou végan (en 2018, 14,7 % de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté établi à 1015 € par mois pour une personne par l’Insee, ndlr). Je voulais donner des clés pour bien manger quand on n’a pas les moyens.
Il s’agit des régimes exclusifs, les régimes “sans” : sans gluten, sans sel, sans viande, sans ceci sans cela. Il faut se souvenir d’une chose : il n’y a pas de mauvais aliment. Ce qui compte, c’est l’équilibre. Quand on stresse l’organisme en supprimant l’apport de gras, de viande, de glucides, il va rétablir l’équilibre en surconsommant un autre nutriment. Et dès que le nutriment supprimé revient, le corps se jette dessus et reprend du poids aussi sec.
Non. La bouffe, c’est éminemment symbolique ! Notre relation à la nourriture, c’est comme notre rapport à l’argent : ça en dit long sur nous-mêmes et sur les autres. Les gens qui se mettent à ces régimes abîment leur rapport à la nourriture sur le long terme. Ils se choisissent un mode de vie où tout doit être calculé, pesé, mesuré… Cela peut engendrer des désordres sur le plan physiologique et en termes d’estime de soi quand le résultat n’est pas là. Dans ce système, si je suis gros, c’est que je mange mal. Si je n’ai pas de travail, c’est que je n’ai pas traversé la rue… C’est très individualiste. L’autre problème de ces régimes à la mode, c’est qu’ils vous enferment dans un groupe. Car, dans une période où l’on se cherche des repères, on se raccroche à des croyances. Or celles-ci ne sont validées que par des gens qui pensent comme nous.
Le bio c’est bien, je suis pour. Sauf que ça ne suffit pas. On ne peut pas réduire la bonne alimentation à la seule absence de pesticides. Cela doit arriver en complément du reste. Bien manger, c’est manger les produits les moins transformés et le plus frais possibles. Si possible achetés chez le producteur, car ils sont cueillis la veille ou le jour même, et ont une teneur en vitamines et oligoéléments la plus élevée possible. Les nutriments se mettent sous la peau des fruits et des légumes juste avant la maturité. Mais ils sont à la fois thermo et lumino-sensibles… Mieux vaut donc acheter un produit conventionnel cueilli le matin même qu’un produit bio venu d’Espagne au frigo depuis dix jours !
Si on n’a pas les moyens d’acheter des produits frais, les fruits et légumes en conserve ou surgelés offrent une alternative saine et moins coûteuse. Mais ce ne sont pas les produits les plus mis en avant par la publicité ou la grande distribution. Ils offrent moins de marge aux industriels… Il faudrait que l’État taxe les sodas, secoue l’agro-industrie pour qu’elle fournisse des plats transformés avec moins de sirop de glucose… Car il y aura toujours des gens qui n’ont pas le temps ou l’envie de cuisiner. Sans parler des familles qui n’ont pas les moyens économiques de faire tourner un four, et qui n’ont qu’un micro-ondes… Ce sera d’ailleurs le sujet de mon prochain livre : comment mange-t-on en France quand on est pauvre ?
Lucie De Gusseme