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« Une de mes pâtures est en pente, sur le mont des Cats », se défend la jeune femme quand on la qualifie de bergère du plat pays. Au milieu de son troupeau de brebis qui, museaux contre le sol, tentent de se rafraîchir comme elles peuvent, Violaine Calcoen explique encore que « les cloches par contre, c’est pour le plaisir » : pas vraiment nécessaires dans les pâtures flamandes qu’occupent les bêtes neuf mois sur douze. Mais voilà, elle a fait ses armes dans les montagnes où elle a tout appris et pour lesquelles elle conserve une forme d’attachement.
Violaine Calcoen a grandi dans la maison qu’elle a rachetée à ses parents il y a quelques années, au cœur des Flandres, entre monts et champs. Mais avant d’y écrire sa propre histoire, elle s’est d’abord envolée. À Lille, où elle a suivi des études de sciences politiques, puis en Norvège où, après une première expérience de woofing, elle a fait une année en Erasmus, à Bergen. « Je cherchais des passerelles vers les questions agricoles mais ça n’existait pas alors en France », se souvient celle qui, davantage littéraire, s’est rapidement intéressée aux sciences sociales, particulièrement en rapport avec les questions environnementales.
Une fois son master de théorie du développement en poche se pose LA question : « Et maintenant, je fais quoi ? » « J’aurais pu travailler dans des ONG, mais je ne voyais pas de quel droit j’allais donner des conseils alors que je ne connaissais que la théorie », se rappelle Violaine Calcoen qui intègre alors un collectif de paysans dans les Alpes-de-Haute-Provence. « C’est là-bas que j’ai découvert les brebis, je n’en avais jamais vu de près. »
Elle reste huit ans, apprend tout, de l’agnelage à la transformation, sans oublier la gestion des pâtures ou la tonte. Elle quitte ces montagnes-là avec les prémices de son futur troupeau : cinq brebis qui la suivront dans ses pérégrinations à bord d’une bétaillère. Après ça, un projet d’installation dans le Cantal qui capote, mais pour lequel Violaine Calcoen a passé un brevet professionnel de responsable d’entreprise agricole (BPREA) en agriculture biologique.
Elle devient ensuite bergère salariée dans une bergerie où elle était passée en stage en Savoie. Elle y reste une année : les trois quarts du temps à la bergerie et l’été en estive. Puis vient l’idée de l’installation en brebis laitières, la jeune femme se sent prête. Et parce que lorsqu’on a des bêtes on ne bouge plus comme on veut, elle opte pour un retour aux sources. Violaine Calcoen atterrit dans la maison familiale, crée la bergerie du Vierayms et squatte l’hectare de pâture adjacent.
En 2019, elle commence à prospecter pour d’autres terrains : « Pour moi, la vie d’une brebis est dehors et la production du lait doit être liée à la terre », formule-t-elle. Coup de chance, Violaine se voit prêter une première parcelle, puis une autre, puis… presque 10 hectares au total, qu’elle fait certifier en bio et où elle met ses brebis par rotations, en séparant béliers, brebis et petits quand le moment est venu. L’occasion de rameuter les copains pour des petites transhumances, entre cinq et dix sur l’année.
Et puis il y a Hypothèse, l’une des brebis d’origine aujourd’hui retraitée et qui reste avec les petits. « C’est la mascotte », sourit la bergère qui dit avoir eu des moments difficiles cette année avec la perte de deux brebis. « Elle joue le rôle de la grand-mère. Avec une brebis qui a avorté, les sept petites de l’an dernier et les sept de cette année, ça leur laisse le temps de grandir », observe la Flamande pour qui la question du temps n’est pas négociable. Et tant pis si son rendement est moindre parce qu’elle choisit de laisser les agneaux sous la mère jusqu’à huit à dix semaines. Ensuite, elle vend la viande des agneaux de lait après avoir eu la chance, reconnaît-elle, de les avoir fait abattre dans le petit abattoir spécialisé en ovins et caprins de Bailleul, à quelques kilomètres de là. La viande ainsi valorisée représente le quart de son chiffre d’affaires tout de même.
Le troupeau de Violaine compte 44 bêtes dont 26 brebis allaitantes de trois races rustiques différentes – les brigasques qui viennent des Alpes maritimes et d’Italie, les thônes et marthod qui viennent de Savoie et les basco-béarnaises, qu’elle a intégrées pour leur production plus abondante. Point commun entre ces trois races : les cornes, « qui leur donnent un côté distingué et sont une marque de rusticité », juge la bergère des Flandres. Traites deux fois par jour, à la main et à la pâture – « des moments calmes, vraiment magiques » – les brebis donnent 13 litres de lait par jour qui pourront faire autant de litres de yaourt qu’elle vend en pot de verre de 375 ml consignés, parce que « quitte à produire, autant ne pas produire de déchets », ou des fromages frais voire affinés pour la tomme et la tomette.
Encore des productions sporadiques, comme la ricotta produite les jours de confection des tommes ou les emprésurés à la chicorée. Pour tous ces produits fragiles, c’est vente directe à la bergerie et pour le reste, direction les quelques points de vente alentour. Avec sa production à taille humaine, Violaine Calcoen ne cherche pas à se déployer outre mesure. Ce qu’elle préfère ? « La période de l’agnelage : plus de 45 agneaux en trois semaines cette année », se réjouit Violaine. Une histoire d’échelle, et de cycles. La vie, ni plus ni moins.
2007. C’est la découverte des brebis.
2017. Elle passe une année en Savoie qui lui donne l’assurance pour s’installer.
2020. Installation dans les Flandres
Justine Demade Pellorce
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