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« Je ne vais pas tarder à leur envoyer une photo de mon semoir, leur expliquer la profondeur à laquelle je sème, combien de temps ça mettra à lever, combien de grains… Non, ça c’est un peu compliqué ! »
À l’heure de la rentrée des vacances de Toussaint, Martin Gosse de Gorre, agriculteur à Ostreville (62), construit mentalement son prochain message pour les CM1 d’une école des Flandres. Régulièrement, il poste un message sur la plateforme Monchamp.fr pour partager avec sa classe jumelée son quotidien d’agriculteur. « D’un point de vue technique mais aussi personnel. Quand les enfants me demandent si j’ai un élevage, je réponds “oui” et j’envoie une photo de mes chiens et de mon poney », sourit ce jeune agriculteur de 27 ans, qui reprendra d’ici quelques années la ferme céréalière, familiale depuis huit générations.
Si, sur la ferme de 174 hectares, Martin Gosse de Gorre a décidé, avec son père, d’en convertir 26 en bio, c’est pour l’intérêt de l’expérimentation. Sorti d’Unilasalle Beauvais en 2016, cet esprit cartésien doit voir pour croire : « Je fais une petite partie en bio, pour pouvoir me faire mon propre avis. J’espère aussi en tirer des leçons pour améliorer mes pratiques en conventionnel. J’essaie de réduire mes intrants chaque année. » Tester pour s’améliorer, pour comprendre… et pour expliquer. « On a vécu trop longtemps cachés et tout le monde pense connaître notre métier sans le comprendre vraiment, il est temps de le montrer…! »
Tout juste arrivé sur la ferme, le jeune agriculteur a immédiatement cherché à partager son savoir, ses idées. Quitte à les voir remises en questions : « Du débat, j’en veux ! Mais bon Twitter, Facebook, ce n’était pas mon truc, et puis je n’étais pas encore prêt à recevoir des classes avec le Savoir vert, par exemple, par manque de temps. »
Il y a trois ans, un mail de Passion céréales l’interpelle : une communication pour une plateforme d’échanges en ligne entre une classe et un agriculteur : Monchamp.fr. « C’est tout simple, j’envoie un message quand je le souhaite et ils me répondent aussi quand ils veulent », décrit l’agriculteur parfois désarçonné par les interrogations des jeunes gens : « Ils sont hyper curieux. Forcément, ils me posent des questions sur les pesticides, mais aussi des choses très techniques. Ils m’ont demandé si je pratiquais l’échange paille-fumier, se souvient-il amusé. Il y a des enfants d’agriculteurs dans la classe ! »
« Cet échange doit permettre de créer un déclic chez les enfants : redonner un sens à leur alimentation pour qu’ils se posent à chaque fois la question de l’origine de ce qu’il y a dans leur assiette », indique Philippe Dubief, président de Passion céréales, lui-même agriculteur, à l’origine de ce projet de plateforme d’échanges en ligne.
« Le point d’accroche, ce sont les céréales, mais l’idée c’est de vraiment faire découvrir la vie de toute la ferme. Et puis c’est un merveilleux support d’apprentissage transdisciplinaire. On peut parler géographie avec la construction des paysages, sciences avec l’alimentation. Je sais que l’instit’ me demande les mesures de ma parcelle pour “calculer la superficie du champ de Philippe” avec les enfants. »
Mais si aujourd’hui une centaine de jumelages existent, c’est parce que l’apport est réciproque. « Je crois pouvoir dire sans me tromper que ça matche à chaque fois », indique Philippe Dubief. « J’en apprends autant qu’eux : je me suis rendu compte que j’étais trop technique, j’apprends à vulgariser, je m’entraîne avec mon épouse », poursuit Martin Gosse de Gorre.
Et puis il y a ces instants qui suspendent le temps : « La première année, j’ai eu des enfants malvoyants, la maîtresse leur décrivait toutes mes photos. Notre rencontre a été un grand moment, les enfants voulaient tout toucher pour sentir. Je me souviens d’un petit garçon qui n’a pas lâché le pneu du tracteur, il n’en revenait pas de sa taille…! » Alors avant de pouvoir rencontrer sa classe cette année, Martin a décidé de proposer des vidéos en direct pour renforcer le lien pendant le confinement.
L’association Passion céréales a pour principale mission de faire connaître les céréales au grand public, aux médias, aux élus nationaux et locaux. Elle représente les producteurs, les collecteurs et les premiers transformateurs de céréales. Monchamp.fr, créé en 2017, fait partie de ses outils pédagogiques. La plateforme est destinée aux élèves de CM1/CM2 et 6e et à tous les agriculteurs qui produisent des céréales. Inscriptions sur app.monchamp.fr/signupregister.
Agathe Villemagne