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En 2018, l’entreprise d’affinage César Losfeld (qui a fêté ses 151 ans) décide de se lancer un défi : produire du fromage, en rachetant la Fromagerie des régions, à Maroilles, qui produisait le fromage du même nom. Objectif : ramener une production de mimolette dans le Nord, où elle a quasiment disparu.
« On n’affinait quasiment plus que de la mimolette venue d’ailleurs. Il y a 50 ans, on trouvait encore beaucoup de producteurs de mimolette dans le Nord. Aujourd’hui, en France, il y a quelques fermiers et trois faiseurs à échelle plus industrielle. L’objectif était aussi pour nous de nous “donner du travail” dans nos caves d’affinage et d’avoir un produit 100 % Nord », explique Richard Selosse, directeur de César Losfeld depuis le 1er juillet 2021.
Résultat : en plus de la mimolette, la Fromagerie des régions produit aussi – sous la marque Reine du Nord – du Pavé du Nord, de la raclette (orange bien sûr), du Saint-Humbert (création originale de la fromagerie) et du beurre.
Pour pouvoir fabriquer du fromage, il a fallu embaucher quelqu’un qui sache le faire. Ce quelqu’un, César Losfeld l’a trouvé en la personne d’Éric Havard, fromager depuis plus de 30 ans pour différentes sociétés. Entouré de cinq salariés, l’homme traite trois millions de litres de lait par an – fournis par neuf producteurs de vaches nourries sans OGM, à moins de 50 km de l’entreprise – pour produire environ 300 tonnes de fromage. « Mais on est très dépendant de nos producteurs. En ce moment on reçoit moins de lait à cause de la crise laitière », explique-t-il.
Concrètement, la fromagerie réceptionne, en temps normal, 20 000 litres de lait dans la nuit trois fois par semaine. Le lait est transformé dans la journée qui suit. D’abord pasteurisé, il est ensuite partiellement écrémé pour avoir un taux de matière grasse « adéquat. Je ne peux pas vous le donner, secret de fabrication », sourit Éric Havard. La matière grasse récupérée sert, dans une proportion moindre, à faire de la crème fleurette.
L’autre partie, les trois-quart environ, est acidifiée et sert à la fabrication du beurre de baratte doux et demi-sel. « On produit 500 kg de beurre par semaine et au début du mois de septembre, nos deux beurres ont été médaillés d’or au concours des produits du terroir de La Capelle (Aisne) », racontent, fiers, Richard Selosse et Éric Havard. Seul déchet de ce processus : le petit-lait. Mais pas de gâchis, « on le donne à un agriculteur pour son méthaniseur », explique Richard Selosse.
Le reste du lait sert évidemment à la fabrication des fromages. « On fait chauffer le lait dans lequel on a ajouté des lactobacilles et du rocou, colorant naturel qui donne cette couleur orange, pour en faire du lait caillé. On le tranche pour obtenir des grains de caillé. En fonction des recettes, cette étape est plus ou moins longue en fonction de si l’on veut des grains plus ou moins gros, décrit Quentin Malaquin, employé mais aussi éleveur. Le but derrière tout ça est de retirer de l’eau. Par exemple, pour la mimolette on va tourner longtemps car on veut que ce soit relativement sec. »
Les grains de caillés sont ensuite transférés dans un bac où ils sont pressés pour obtenir des « pains de caillé » qui sont ensuite transférés dans des moules ronds ou rectangulaires, selon que l’on fasse de la mimolette ou autre chose.
Les fromages prennent par la suite un bain de saumure, entre 24 et 72 heures selon les fromages. Puis, ils sont de nouveau pressés, cette fois avec des presses très puissantes (300 grammes au cm2) entre deux et six heures, toujours selon les recettes. Enfin, on démoule et on fait une sorte de « pré-affinage » dans les « petites » caves de la Fromagerie.
Les pavés, mimolettes et leurs copains partiront ensuite dans les caves cironées (c’est-à-dire où prolifèrent des cirons, sortes d’acariens) de Roubaix pour terminer leur affinage. « Pour la mimolette ça va de trois mois pour la jeune à 30 mois pour l’extra-vieille », indique Richard Selosse.
Seuls le Saint-Humbert et la raclette ne sont pas amenés à Roubaix mais restent à Maroilles où ils sont morgés, c’est-à-dire frotté avec un mélange à base de saumure.
Les fromages produits depuis 2018 rencontrent un franc succès, comme en témoignent les caves de Roubaix où le nombre de boules de mimolette en affinage est passé de 90 000 à 110 000. Ces fromages sont ensuite vendus en supermarchés dans des conditionnements spécifiques, dans les restaurants et aussi chez des crémiers/fromagers.
Pour 2023, la Fromagerie devrait s’équiper d’un atelier de tranchage et de conditionnement, étape pour l’instant assurée par un prestataire.
L’idée à terme pour César Losfeld : être en autonomie de bout en bout de son activité, de la production à l’affinage, en passant par le conditionnement et la vente. L’entreprise espère également pouvoir relancer le « Parcours des sens », qui se trouve à côté de la fromagerie et qui, à l’époque où celle-ci faisait du maroilles, proposait aux consommateurs de pouvoir jeter un œil, grâce à des vitres, au processus de fabrication du fromage. Les vitres sont restées mais il manque le dispositif. « On aimerait racheter ce local et en faire un petit magasin et évidemment reprendre le concept éducatif », conclut Richard Selosse.
D’ici là, pour le mois de novembre, les consommateurs devraient trouver dans les rayons des revendeurs un tout nouveau trio de fromages contenant de la raclette de la Fromagerie, du Saint-Humbert et aussi de la Bruclette, un fromage à base de bière brune, produit par un confrère. Tout pour faire une bonne raclette et se réchauffer…
Eglantine Puel