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Avant d’être unanimement reconnues pour leur pratique durable de la pêche locale (au point même de passer à deux reprises dans l’émission à succès Thalassa, c’est dire !), Myriam Pont et sa famille ont dû surmonter bien des obstacles.
Tout commence en 1983, lorsque Myriam, à peine âgée de 16 ans, fait un choix audacieux : quitter l’école pour devenir pêcheuse à pied. Ce métier, pratiqué depuis la Préhistoire le plus souvent par des femmes, consiste à récolter à marée basse des coquillages et des crustacés laissés par la mer sur le rivage. « J’avais envie d’être avec les éléments, au contact de la nature », se remémore-t-elle. Avec une simple cuillère, une paire de bottes et une grande dose de courage, elle se lance, seule, dans cette aventure entrepreneuriale.
Et les débuts sont loin d’être idylliques. « Les femmes n’avaient même pas le droit de monter dans la cabine pour remonter de la plage à l’époque ! C’était réservé aux hommes », explique-t-elle. Sur le port de Calais, elle installe une table « au cul de sa voiture » pour vendre ses moules, coques et bigorneaux, sans véritable soutien. À cela s’ajoutent les réticences locales : « Venant de Boulogne-sur-Mer, je n’ai pas été très bien accueillie par les vendeurs calaisiens au début, mais j’ai réussi à me faire une place au fil des années », se souvient-elle.
Christian, son mari, la rejoint quelques années plus tard dans l’aventure. Ensemble, ils bâtissent à la sueur de leur front leur petite entreprise familiale sous le nom “Au pêcheur de moules”. « C’est un métier de courageux, affirme Myriam avec fierté. On pêche à pied par tous les temps, même l’hiver. Mais pour nous c’est surtout un métier d’intérêt général. On nourrit la population. »
Puis en 2013, l’entreprise prend une nouvelle dimension. Jean-Christian, l’un des fils de Myriam, aujourd’hui âgé de 26 ans, décide de donner un coup de jeune à l’activité familiale. Il crée la marque la Paysanne des mers et développe la première boutique en ligne de pêche à pied en France. Une révolution pour la petite entreprise artisanale qui se lance dans l’achat revente de produits de la mer.
Grâce à Chronofresh, les produits fraîchement pêchés sont livrés en 24 h partout en France. Toute la famille s’implique dans cette nouvelle aventure. Myriam continue la pêche à pied avec son mari, qui gère également les livraisons. Leur fils, Jimmy, s’occupe de la pêche et de la vente. Tandis que Jean-Christian se charge de la communication et du développement stratégique de l’entreprise.
Aujourd’hui, la Paysanne des mers ne se limite donc plus aux moules et coques ramassées à la main. Elle propose un large éventail de produits de la mer frais et / ou biologiques : coquillages, crustacés, poissons frais et fumés, conserves artisanales et plateaux de fruits de mer. Toujours soucieuse de la qualité, la famille Pont sélectionne avec soin chaque produit. « On fait très attention aux pratiques de pêche et à la traçabilité des produits que l’on vend », explique Myriam Pont.
Cette quête d’excellence a d’ailleurs valu à l’entreprise d’être reconnue au sein du Collège culinaire français, une association lancée à l’initiative de 15 grands chefs restaurateurs à l’instar d’Alain Ducasse, Joël Robuchon, Thierry Marx, entre autres, qui fait la promotion de l’identité de la cuisine française.
Elle est aussi membre du programme européen Mr Good Fish, qui promeut une pêche durable en sensibilisant consommateurs et pêcheurs à l’importance de choisir des espèces de saison. Pour Myriam Pont, « c’est un vrai honneur de pouvoir travailler avec tous ces acteurs, en particulier Saveurs en’Or. C’est l’aboutissement de plus de 40 années de labeur ! »
L’un des aspects essentiels du travail de Myriam Pont est aujourd’hui la transmission. Depuis plusieurs années, elle organise des séminaires et des journées de pêche à pied. Elle accueille des groupes scolaires, des entreprises et des particuliers pour leur faire découvrir son métier et les sensibiliser aux enjeux de la pêche durable. « Mes clients, je leur fais oublier le temps avec ma petite cuillère. On revient à l’essentiel », sourit la paysanne des mers.
« J’essaye de faire bouger les consciences, insiste-t-elle. J’ai certes gardé un côté primitif dans ma façon de travailler, mais je pense être très avant-gardiste dans ma vision du rapport homme – nature. » Aujourd’hui, la situation sur la Côte d’Opale n’est pas simple pour les pêcheurs professionnels : la ressource halieutique diminue, et Myriam plaide pour des mesures plus strictes. « On doit mettre en place des quotas plus stricts si on veut préserver la ressource sur le long terme. Il faut laisser à la nature le temps de se régénérer », affirme-t-elle. Pour la pêcheuse boulonnaise, « la préservation des océans est essentielle à la survie des générations futures ».
Cette vision de l’avenir s’inscrit dans un engagement social profondément enraciné chez Myriam. « L’humain d’abord », aime-t-elle répéter. Mère d’un adulte autiste, elle se bat d’ailleurs depuis des années pour changer les mentalités sur le handicap. Et quand on lui demande quels sont ses remèdes pour surmonter ce qu’elle nomme la « profonde crise spirituelle traversée par nos sociétés », la réponse est sans appel : « Les gens ont juste besoin d’un retour à la nature, et de plus de chaleur humaine ! »