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Onze heures, rue Bonte-Pollet, quartier Vauban à Lille dans le Nord, les bolides arrivent. Petit coup de sonnette. Alors que les commerçants déballent leurs incroyables étals roulants, les premiers clients déboulent des immeubles, des rues voisines… Le rendez-vous avec les commerçants de Comment ça vrac est attendu.
« Il y a même certains riverains qui, quand ils nous voient disent, “Ha oui, c’est vrai, on est tel jour !” », sourit Kévin Vander Eecken, l’un des binômes du tandem Comment ça vrac, une botte de radis à la main.
Avec Karim Arab, ils arpentent les rues de Lille depuis près d’un an sur leurs vélo-épicerie pour honorer leurs rendez-vous réguliers ou ponctuels dans tous les quartiers de la ville. « C’est de l’éphémère, on déploie les vélos, on vend les produits, et dès qu’on s’en va il n’y a plus rien. Juste deux vélos qui sont venus », insiste Karim Arab.
Ancien graphiste, Karim, lassé de son boulot, embarque, fin 2018, Kévin, ex-charpentier, dans cette aventure. « L’idée de départ était celle d’une camionnette qui ferait des tournées pour proposer du vrac, des fruits et légumes locaux dans la Pévèle. Avec ce souvenir en tête des camions et tracteurs qui passaient devant chez moi quand j’étais gamin pour vendre leurs produits, sourit Karim. L’objectif était de faciliter le lien social entre clients, commerçants... » Devant le constat d’un accès aux produits fermiers plus simple en milieu rural, les deux compères font le choix de la ville, et du coup, du vélo.
De ses dix doigts d’artisan, Kévin construit, adapte, réinvente de grands caissons attelés à un vélo électrique. Les tiroirs dissimulés, les bacs à légumes ou étagères à vrac sont organisés pour faire entrer un maximum de denrées sur les véhicules. Jus, soupes, fruits et légumes locaux, pâtes, riz ou café en vrac, chaque commerçant tire près de 300 kg à la force de ses mollets… et de l’assistance électrique !
« Il y a tout ce qu’il faut pour manger, pas besoin de milliers de références comme au supermarché », résume Karim qui défend le choix d’une alimentation la plus locale et responsable possible, mais sans hypocrisie. « On vend aussi du thé, du café qui viennent de loin… Mais parce qu’on en a aussi besoin ! », ajoute Kévin.
Derrière cette démarche militante, un principe réunit les deux entrepreneurs : « On n’est pas donneurs de leçons. C’est plutôt les clients qui vont se sensibiliser les uns les autres, en voyant par exemple que certains arrivent avec leurs bocaux pour le vrac. Derrière chaque produit, il y a des personnes, des responsabilités. Par exemple, nos agrumes viennent de Sicile et sont équitables. Là où on a une certaine fierté, c’est que les clients ne se rendent pas forcément compte et qu’ils l’apprennent plus tard », poursuit Karim.
Dès que cela est possible, Comment ça vrac fait le choix du local. « Nous bossons avec des producteurs locaux, le lycée horticole de Lomme, la ferme Cimetière, le chantier de réinsertion des Petites haies, Le Vert galant à Verlinghem et les Vergers de Méteren (Ferme Herreman) », précise Karim. Et là non plus, pas de rigorisme, mais le choix de l’humain et de la confiance. « Tous ne sont pas en bio, mais ont une super manière de bosser avec très peu de traitements, des exploitations peu mécanisées », ajoutent les entrepreneurs. Un moyen aussi, d’accéder à des produits plus compétitifs.
Comme toute entreprise, Comment ça vrac a passé le test Covid-19. Et loin de se réjouir de la crise, force est de constater que le confinement a facilité leurs affaires… « On a bossé cinq fois plus en termes de volume, d’énergie…, explique Kévin. On a dû faire appel à des renforts et aménager deux vélos supplémentaires. Sur des petits créneaux où l’on avait habituellement 3 ou 4 personnes, on en a eu 15 à 20 ! »
« Ça a été l’occasion pour certains de sauter le pas en venant nous voir, pour d’autres c’était une excuse pour sortir, s’amuse Karim. Les clients se sont aperçus qu’ils pouvaient tout trouver sans aller au supermarché. Ils repartaient avec des courses complètes pour 30 euros. Et surtout, c’était meilleur ! »
La véritable bonne nouvelle est que cet élan semble se maintenir depuis la fin du confinement. Les clients, même les nouveaux, sont au rendez-vous. « On a gardé la même cadence et donc nos nouvelles recrues. Lorsque le chiffre d’affaires sera stabilisé on pourra envisager de recruter et aussi perfectionner nos vélos », lancent les deux entrepreneurs. Ça roule pour eux.
Agathe Villemagne