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Lorsque sonne la fin de la journée d’école, c’est l’heure de pointe à la Super’Ecques. « Les enfants viennent chercher des bonbons, les parents le pain : c’est vraiment devenu une habitude », se réjouit Alexis Rouget, président de la SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) qui gère l’épicerie ouverte le 31 mai 2021.
La nouvelle est arrivée pendant le confinement de mars 2020. L’épicerie du centre d’Ecques (62), seul commerce de la commune de 2 200 habitants, allait fermer. Plus de dépôt de pain, de lieu de rencontre des villageois, de services de proximité : un coup dur pour le village.
Les chaînes de magasin ne sont pas intéressées pour la reprendre. Les banques n’auraient pas suivi un privé. L’idée d’un projet collaboratif germe, en ces temps de pandémie où la solidarité et le lien social retrouvent une place importante dans la société.
« Le principe était de faire adhérer les gens du village au projet », raconte Alexis Rouget. C’est ce que permet une SCIC : réunir des consommateurs, les salariés de la structure, des structures publiques (notamment le Département du Pas-de-Calais et la commune), des producteurs et des partenaires financiers.
Le succès est immédiat. 163 associés se lancent dans l’aventure. « On n’en espérait pas tant », confie Alexis Rouget. Cela a permis de lever suffisamment d’argent pour lancer le magasin et acheter le matériel.
Rénové par la Mairie, le local n’en reste pas moins vide. Une partie du mobilier est alors fabriquée par des bénévoles. Chacun met la main à la pâte. « Solène a peint cette étagère jusqu’à la veille de son accouchement, cite le président, admiratif, on l’avait mise avec une sage-femme au cas où ! » Près d’un an après, la mobilisation ne faiblit pas.
La recette de cette réussite vient sans doute du choix des produits, sélectionnés notamment par Stéphanie. La responsable du magasin est l’une des deux salariées de l’épicerie. « J’ai tout de suite adhéré au projet, dit-elle. Cela me plaisait de proposer des bons produits et d’avoir une épicerie qui touche tout le monde : jeunes, personnes âgées, familles, enfants ».
L’épicerie propose un dépôt de pain, des fruits et légumes de maraîchers locaux, des charcuteries, fromages, bières, condiments, volailles, soupes faites par des agriculteurs, du miel de Saint-Omer, des confitures et jus de fruits des vergers voisins…
« L’idée de valoriser les producteurs locaux était présente dès le départ », souligne Alexis Rouget. S’ajoutent bien sûr quelques produits de grossistes pour compléter la gamme et offrir un service le plus complet possible. « On voulait un magasin pour tout le monde et la population d’Ecques est très diverse », résume le président. Des hommes, des femmes, des jeunes, des moins jeunes, des demandeurs d’emploi, des cadres, des retraités, aux origines sociales différentes : « Cela rend le défi intéressant ».
Derrière ce commerce, d’autres ambitions s’affichent, avec en premier lieu l’évolution des pratiques alimentaires. « On veut privilégier le local, de saison, et si possible l’agriculture biologique », précise Alexis Rouget.
Ateliers sur l’alimentation, partage de recettes, le contexte sanitaire a ralenti les nouvelles initiatives mais « on a encore plein de projets en tête », ajoute le président.
Dans ce village qui s’étend sur près de huit kilomètres, l’objectif est également de livrer les personnes non mobiles. « On voudrait investir dans des vélos cargos pour livrer les personnes âgées notamment », précise Alexis Rouget. Le lien social reste le moteur de la Super’Ecques. « La livraison se ferait par un groupe de bénévoles », imagine-t-il.
La Super’Ecques peut, en effet, compter sur une armée de volontaires. Valentin conçoit le mobilier, Christine entretient le magasin, Catherine va chercher les produits, Caroline se charge de la communication. « Sans les bénévoles, on ne s’en sortirait pas », reconnaît Alexis Rouget.
La différence avec d’autres formes de commerces participatifs est de pouvoir acheter des produits sans être adhérent et que l’on n’est pas nécessairement bénévole lorsque l’on est associé : le modèle reste ouvert.
Le projet a bénéficié du budget citoyen du Département du Pas-de-Calais avec une enveloppe de 18 000 €. Les associés ont contribué via des parts sociales à 25 €, et le Département a aussi pris 400 parts.
Le local appartient à la mairie et la communauté d’agglomération du Pays de Saint-Omer (Capso) prend en charge une partie du loyer, ainsi que des charges minorées.
En ce qui concerne les finances, « on vise l’équilibre pour assurer la pérennité du magasin. Le but est d’arriver juste au-dessus du point mort », estime Daniel Noury. Adjoint au maire, il est également administrateur de la SCIC et en gère les finances, « mais l’objectif premier est bien de rendre service aux gens », conclut Daniel Noury.
Louise Tesse