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« Mes parents faisaient des grandes cultures et avaient un élevage de lapins. J’ai deux sœurs et aucune de nous n’ambitionnait de reprendre la ferme, moi je voulais être institutrice. » En résumant d’où elle vient, Bertille Defoort finit par réaliser la logique de son parcours. Car si elle n’est pas devenue maîtresse d’école et si elle a fini par reprendre l’exploitation longtemps tenue par sa mère, elle a récemment adhéré au Savoir vert et accueille depuis des groupes d’élèves. Pour son plus grand bonheur de partager.
Un élan vers les autres qui guide son existence. Il n’y a qu’à rencontrer Bertille Defoort pour être nourri de sa lumière, de son énergie. Pourtant… « Mon père est décédé peu avant le bac et personne n’imaginait que je l’obtienne. » Mais la battante obtient son diplôme et il est trop tard pour se lancer dans les études de manipulatrice radio qu’elle convoite. « J’avais besoin d’être encadrée et la fac ne m’aurait pas convenu. Ma mère est tombée sur un reportage parlant du métier d’opticienne, j’étais curieuse, ouverte d’esprit : j’y suis allée », raconte la trentenaire, qui se retrouve diplômée en 2007.
Elle devient opticienne à Bailleul, où elle travaillera jusqu’en 2020. En même temps, sinon ce n’est pas marrant, elle donne naissance à ses filles et se spécialise en optométrie (l’examen approfondi de la vue), « comme ça, pour ma culture personnelle », lance l’hyperactive. Puis elle finit par se former à l’agricole, en vue de reprendre l’exploitation.
En 2018, elle reprend la ferme familiale en portant plusieurs casquettes pendant deux ans. Elle a encore aujourd’hui les clés du magasin à Bailleul, où ses anciennes collègues l’invitent régulièrement à venir donner un coup de main et où elle prend sur elle de refuser, « j’aime beaucoup le contact enfin, surtout quand ça se passe bien parce que je suis une grande stressée et dès qu’il y a un grain de sable ça me dévore. J’ai un petit cœur », dit joliment Bertille Defoort.
Si elle parvient à résister à l’appel, c’est parce qu’elle a trouvé un autre moyen d’être en contact et c’est là que la boucle se boucle en quelque sorte : en 2022 elle adhère au Savoir vert. Elle peut désormais assaisonner sa destinée de fille d’agricultrice d’une bonne louche d’ouverture, de partage et de pédagogie qu’implique l’enseignement.
Lire le reportage sur les visites du Savoir vert à Terres en fête
À la ferme du Saint Adrien, on fait toujours des grandes cultures, mais on a troqué les lapins pour des volailles, labellisées dans l’idéal car elles collent davantage à sa vision des choses, et conventionnelles le reste du temps parce que c’est aussi la demande qui décide. Bertille est seule sur l’exploitation, appuyée par son mari qui, issu d’une famille de maraîchers, possède une entreprise de tracto-bennes depuis 2011.
« J’aime mon métier, être dehors et ne jamais faire la même chose d’un jour à l’autre ; si je ne veux faire que de l’entretien alors je le fais et je fais les papiers le lendemain, j’aime bien aussi les journées bureau. J’aime déchaumer les champs, soigner mes poulets et m’arrêter pour aller chercher les enfants à l’école. Je peux gérer mon emploi du temps et c’est que du bonheur. On sait pour qui on travaille : pour nous », liste Bertille Defoort qui ne regrette qu’un aspect à son métier : la solitude. Rencontrer d’autres agricultrices (et on rappelle que les hommes sont aussi les bienvenus !) qu’elle n’aurait jamais rencontrées autrement la réjouit.
C’est l’une des raisons, en plus de la volonté de se diversifier, qui la poussent à accepter sans grande résistance la proposition d’une membre du Savoir vert. « Je connaissais de nom, j’avais réalisé un dossier sur la diversification pendant ma formation agricole. Une membre m’a proposé de les rejoindre, pensant que ça me plairait. » Elle voyait juste. « J’aime faire découvrir la ferme aux enfants, leur montrer qu’il y a des animaux mais pas seulement. J’aime aussi casser les clichés, montrer qu’une ferme c’est aussi un lieu de vie du XXIe siècle, avec l’électricité et même internet. Je vous promets que l’image que certains ont de nous peut encore être complètement décalée. »
Avec le Savoir vert, Bertille Defoort propose des visites sur les thèmes du blé au pain, de l’œuf à la poule, les animaux de la ferme ou encore le potager. « Et je vais continuer à me former sur la biodiversité, l’approvisionnement local : même si je ne fais pas de visites spécifiques sur ces thèmes, ils me permettront d’enrichir mon discours », imagine déjà la jamais rassasiée.
Justine Demade Pellorce Jdemade@terresetterritoires.com
Retrouvez le portrait de Caroline Delepierre-Piat, présidente du Savoir vert