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Quand Anthony Demanez parle de ses vaches normandes, on entend dans sa voix toute l’admiration qu’il leur porte. « J’ai une relation très forte avec mes vaches. L’élevage, je crois que j’ai vraiment ça dans le sang ! » Sacré paradoxe pour le jeune homme de 31 ans qui, marqué par le suicide de son père agriculteur en 2010, répétait sans relâche à son entourage qu’il ne deviendrait jamais agriculteur.
« Je suis né à la ferme mais le métier d’éleveur ne m’intéressait pas du tout quand j’étais jeune. » À l’adolescence, il s’éloigne de Marbaix (59), sa terre natale, pour poursuivre des études de géographie, puis d’économie à Lille. Très vite, il enchaîne les petits boulots dans la restauration mais ne se sent pas aligné professionnellement.
Une expérience associative vient alors bouleverser sa vision de la vie et de l’avenir : « J’ai effectué un service civique pour le collectif Parasites. C’est là que mon regard a complètement changé, à la fois sur l’agriculture et sur l’Avesnois ». Au sein de cette association culturelle, de jeunesse et d’éducation, il participe à des chantiers de plantation de haies, ce qui le rapproche des questions agricoles et le sensibilise à la biodiversité.
Dans la foulée, il prend son vélo et pédale jusqu’en Turquie. « Cette expérience introspective m’a donné le temps nécessaire pour réfléchir à mes envies profondes. Je crois que j’ai eu une sorte d’épiphanie là-bas. Ça m’est apparu comme une évidence que je devais revenir à la campagne, élever des vaches et produire du fromage ! », lance-t-il amusé.
C’est en septembre 2019 qu’il rejoint sa mère sur l’exploitation passée en bio en 2017. D’abord comme salarié, puis comme apprenti. Il reprend ensuite progressivement la tête de l’entreprise familiale composée aujourd’hui d’une centaine de vaches normandes, qui profitent de 112 hectares de prairies naturelles.
Si les premières années lui ont réservé quelques surprises (maladies, pénurie fourragère), Anthony Demanez se dit aujourd’hui pleinement satisfait du fonctionnement de son élevage. « Je sens que j’ai trouvé un vrai équilibre de vie. Notamment en choisissant de travailler en monotraite (une traite par jour au lieu de deux). L’astreinte est beaucoup moins pesante, et même si on produit moins de lait, on a plus de temps pour faire autre chose donc on s’y retrouve quand même économiquement. »
Le choix du pâturage tournant s’est également avéré être un choix payant selon le jeune éleveur de l’Avesnois : « Je fais pâturer mes vaches sur environ un hectare et je tourne toutes les 24 heures. L’idée première c’était d’aller vers plus d’autonomie sur la partie fourragère, et ça fonctionne très bien. »
S’il met un point d’honneur à développer l’autonomie fourragère de son exploitation, Anthony Demanez cherche aussi à réduire son besoin en paille : « Comme j’ai la chance d’avoir plus de 15 km de haies sur mon exploitation, j’utilise majoritairement de la plaquette bois pour la litière de mes vaches. En gros, je recèpe une partie de mes haies et je les transforme en copeaux de bois. C’est de la matière première hyper locale ! »
À long terme, il rêve même d’installer une chaudière à la ferme, alimentée par les haies bocagères présentes sur son exploitation. L’éleveur bio plante, par ailleurs, chaque hiver des haies supplémentaires avec le soutien du Parc naturel régional de l’Avesnois : « Je travaille en partenariat avec les équipes du parc. Elles m’ont aidé à financer et à planter beaucoup d’arbres ces trois dernières années. On a vraiment beaucoup de chance d’avoir le PNR de l’Avesnois, ils font un énorme travail de préservation et de replantation du bocage. Et j’apprécie vraiment de faire des chantiers de plantation collectifs, notamment avec les écoles. »
En matière de commercialisation, Anthony Demanez semble aussi avoir trouvé son rythme de croisière. La majeure partie de son lait est aujourd’hui achetée par l’Esat du Pont de Sains, qui vient le collecter cinq à six fois par semaine à la ferme pour le transformer en maroilles (lire aussi notre édition du 23 décembre 2022).
Cela n’empêche pas le jeune éleveur avesnois d’avoir en tête de nombreuses perspectives d’évolution pour son exploitation.« Il y a tellement de possibilités en tant qu’agriculteur aujourd’hui. On a une grande liberté de créer. Il faut en profiter ! » déclare-t-il.
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Il ne s’arrête pas là : « J’ai planté beaucoup d’arbres fruitiers en pré-vergers dernièrement. D’ici quelques années, mon idée est donc de me diversifier et de commercialiser des fruits bios (pommes, poires) ou des jus fermiers. »
D’ici quatre ou cinq ans, il « envisage également de construire une vraie fromagerie, ici à la ferme, pour transformer le lait en fromage et vendre ma production en vente directe ». Les premières bufflonnes alsaciennes étant arrivées il y a quelques semaines, « le rêve ultime ce serait même de proposer à ma clientèle de la mozzarella di buffala bio 100 % made in Avesnois ! »
Un produit du terroir haut de gamme qui risque d’en faire saliver plus d’un qui viendront peut-être visiter son exploitation. Car à terme, l’éleveur s’imagine bien « développer le tourisme sur ma ferme, en ouvrant mes portes régulièrement au public. Je trouve important que les agriculteurs ouvrent leur ferme et parlent de leur métier aux personnes curieuses ».
Julien Caron