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Matthieu Thoris vise la conservation pas le conservatisme

31-03-2023

Actualité

Élevage

Matthieu Thoris, 32 ans, s’est installé en 2014 sur la ferme familiale, à Winnezeele. Moins de dix ans plus tard, le polyculteur éleveur de porcs réinvente son métier dans une approche au long cours. Le tout sous le regard enthousiaste de son père.

Matthieu Thoris, agriculteur à Winnezeele. © J. D. P.

Matthieu Thoris incarne la cinquième génération sur l’exploitation en polyculture élevage porcin à Winnezeele (59). Et s’il ne s’est jamais posé la question de reprendre, ça coulait de source, il est pourtant clairement dans la conservation plutôt que le conservatisme. À ses côtés, Luc, son père, observe et encourage cette approche du sol vivant avec enthousiasme. “Moi je labourais et j’étais malade de voir mon sol mort“, rembobine celui qui a pris sa retraite en 2020.

Matthieu est né sur cette terre des Flandres. Avec Caroline, son épouse, et leurs deux enfants (bientôt trois), ils sont profondément enracinés. Sa femme, elle-même fille d’éleveurs de porcs, a rejoint l’entreprise en 2016, après avoir travaillé à l’hôpital d’Armentières.

Aujourd’hui, elle s’occupe de la maternité côté cochons, logique. L’exploitation fait partie du groupement des producteurs de porcs des monts de Flandres (GPPMF), coopérative de 80 éleveurs basée à Hondeghem (59).

Épandage sans tonne

Après un BEP puis un bac pro à l’Institut agricole d’Hazebrouck, spécialisé en productions végétales, le fils d’éleveurs poursuit avec un contrat de spécialisation porcs.

En 2014, il est paré à intégrer l’EARL familiale. Matthieu Thoris a alors 24 ans et si son père était surtout intéressé par ses cochons, le fils se tourne aussi vers la production végétale. En 2017, il démarre la culture des pommes de terre. “J’aime les champs“, résume-t-il.

Naisseurs engraisseurs de 350 truies, les Thoris ont beaucoup, beaucoup de lisier qu’ils donnent en partie à l’extérieur. “On s’est dit qu’il était dommage d’acheter des engrais chimiques avec cet engrais naturel à disposition“, explique Matthieu.

C’est l’entrée en scène du système d’épandage sans tonne : un mécanisme de tuyaux reliés directement à la fosse permet de faire passer le tracteur de 40 à 7 tonnes. “Ça évite de tasser et d’avoir à détasser“, résume le trentenaire quasiment certain d’être le premier de la région à avoir investi dans ce système.

Depuis et régulièrement, les copains ou les voisins regardent ces énergumènes comme de doux fous, avec leurs vers de terre (vous les voyez sur la photo ?) et leurs haies, sans parler des machines qu’ils fabriquent eux-mêmes pour mettre en œuvre leur approche différente.

L’aggradation des sols

Celle de l’agriculture de conservation des sols (ACS), qui ambitionne de faire revivre les sols avec des pratiques moins invasives, moins traumatisantes pour l’écosystème. Matthieu a d’ailleurs rejoint tout récemment l’Apad et n’a pas attendu pour se regrouper en GIEE (groupement d’intérêt économique et environnemental) avec quatre ou cinq voisins eux aussi adeptes de l’ACS.

Seule différence avec ses copains, Matthieu Thoris a décidé de passer l’intégralité de ses parcelles de blé, maïs et escourgeon en ACS en 2019. “C’est dire combien je crois en cette approche“, explique celui qui prévient : il faut de la confiance, et de l’endurance car les choses ne se mettent pas en place du jour au lendemain. “Pour beaucoup, le frein est la diminution des rendements. Je l’évalue à 10 % les premières années mais c’est forcément rentable au long terme“, pèse le jeune homme.

Car il y a ce qui rentre dans les caisses, mais aussi ce qui n’en sort pas (engrais, phytos, gasoil), sans oublier la réduction des émissions de carbone et le gain de temps et d’énergie puisqu’on va se “contenter” de semer et de moissonner. On parle “d’aggradation des sols“, le contraire de la dégradation pratiquée depuis 40 ans.

Avec des subtilités, comme les couverts ou le semis direct qui demandent des ajustements, parfois des retours en arrière. Luc, le paternel, a bien bricolé un semoir, parfait, et un strip-till qui lui a moins bien fonctionné. L’outil vise à ne travailler que la zone qui sera plantée : en maïs par exemple, on ne travaille que 30 % de la surface du sol, l’idée est donc de ne désherber que ces 30 %.

Lire aussi : Stéphanie Vanderhaeghe, pour un monde (agricole) meilleur

Fertilité et productivité

En 2020, le jeune flamand a suivi une formation en agroécologie auprès de Vers de terre production. L’association accompagne les agriculteurs qui se dirigent vers la conservation des sols. Le ver de terre, c’est le symbole d’une terre vivante : “En agriculture conventionnelle avec labour, on peut compter 50 à 100 kilos de vers de terre par hectare. En sol vivant, au bout d’une dizaine d’années, on tournera entre 1,5 et 2,5 tonnes par hectare, soit vingt fois plus.” Ces millions de vers de terre pourront alors ingérer jusqu’à 400 tonnes de matière végétale qu’ils transformeront en engrais. Sans compter leurs galeries qui favorisent l’enracinement et permettent à l’eau de s’infiltrer.

Et si l’on doit vraiment travailler le sol, comme pour les cultures industrielles, en butte, “alors privilégier les outils à dents simples plutôt que les outils animés par prises de force” : ça fera moins de dégâts. Par contre, “la fissuration reste importante“, rappelle le jeune homme.

L’agriculture de conservation des sols est bien dans cette approche de rendement, que l’agriculture bio ne permet pas, pense Matthieu Thoris. Un bémol au tableau idyllique d’ailleurs : la nécessaire utilisation de phytos afin de détruire les couverts, glyphosate en tête. Là-dessus il espère progresser aussi, petit à petit.

Matthieu Thoris en trois dates

2014. Il rejoint l’EARL familiale et s’installe à Winnezeel avec son père, Luc.

2016. Caroline, sa femme, le rejoint sur l’exploitation comme salariée.

2019. Changement de pratiques avec le passage à l’agriculture de conservation des sols.

Justine Demade Pellorce

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