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Elle l’avait pressenti. Avant l’annonce de la fermeture des centres équestres, Fabienne Morali s’était préparée. “J’ai tout de suite fait rentrer du stock alimentaire pour les chevaux”, déclare celle qui gère depuis trente-cinq ans le poney club du Parc du Héron à Villeneuve-d’Ascq (59). Et de raconter : “Mon fournisseur belge savait que la fermeture des frontières s’effectuait le lendemain, donc il est venu me livrer les copeaux et la graine de lin pendant la nuit, à minuit et demi !”
Ouf. Les soixante-six poneys et chevaux ne manqueraient de rien. Prévoyante, Fabienne s’est également fournie auprès d’un agriculteur local. De quoi la mettre à l’abri de tout déplacement et lui permettre d’avoir un mois et demi d’autonomie pour nourrir les équidés. La facture initiale s’est donc transformée en cinq commandes regroupées. “Ça a engagé de la trésorerie, avoue-t-elle, mais ça nous a permis d’être sereins”.
C’est d’ailleurs grâce à une trésorerie suffisante, et aux aides de l’État, que Fabienne Morali a pu maintenir le salaire de l’équipe venue entretenir la cavalerie : “Ils s’investissent beaucoup toute l’année, je ne voulais pas les pénaliser”. L’animatrice et le palefrenier (garçon d’écurie) ont travaillé à temps plein à ses côtés. “C’était beaucoup de travail” témoigne-t-elle. Quant aux trois enseignants privés de cours, ils ont été mis au chômage partiel.
Cette situation inédite aura eu, malgré tout, quelques effets bénéfiques : “Finalement on est revenu au cœur du métier, qui n’est pas seulement de donner des leçons d’équitation. J’ai fait travailler mes vieilles articulations à 64 ans, dit-elle en riant. L’entretien des chevaux, c’est sportif. Ils sont faits pour bouger, sinon ils peuvent avoir des coliques, des fourbures ou des coups de sang. De l’action, il y en a eu pour nous aussi !”, témoigne-t-elle.
Pour les chevaux, la période était davantage synonyme de repos, avec l’annulation de tous les entraînements. “Ils ont grossi comme des cochons de lait”, remarque-t-elle avec tendresse. Nourris, choyés, les équidés ont eu droit à des vacances anticipées.
Au bout d’un mois, Fabienne a pu déplacer une partie de la cavalerie dans des prairies à Bourghelles (59). Des terres qu’elle loue depuis des années. Parallèlement, elle a bénéficié d’un geste solidaire de la part d’un chef d’exploitation agricole de Villeneuve-d’Ascq (59). “Il nous a dépanné, sans rien nous facturer pour sa petite pâture, juste à côté. C’était très sympa dans l’urgence !”, relève la directrice du poney club.
Aujourd’hui, une partie des poneys d’instruction, pour les enfants de moins de 10 ans, est toujours en prairie. Les propriétaires, eux, reviennent monter leurs chevaux restés sur le site. “À partir de 12 ans, les cavaliers sont assez autonomes pour pouvoir garder la distanciation nécessaire : trois mètres entre chaque cheval”.
Mais l’arrivée au club se fait uniquement sur rendez-vous et à condition de respecter les consignes de sécurité : “On a mis en place un protocole sanitaire très rigoureux, avec des horaires espacés (une heure de battement entre chaque cours). Il ne faut pas être plus de dix personnes sur la carrière et je bloque même à six, pour les cours en autonomie“, détaille-t-elle.
Une zone spécifique permet aux cavaliers d’attendre en sécurité, avant d’arriver sur la carrière. Puis le personnel du club leur amène le cheval déjà préparé. “On leur désinfecte les mains avant de leur confier les rênes. Même chose quand on récupère le cheval”, assure la directrice qui a aussi prévu du gel hydroalcoolique en pulvérisateur pour les rênes, et des lingettes pour nettoyer les selles.
Les leçons annulées en avril et mai seront rattrapées cet été. Une bonne nouvelle pour les 450 cavaliers licenciés FFE et les 90 “baby poney” sans licence (enfants de 2 à 4 ans) qui viennent d’habitude chaque semaine.
“Les heures à récupérer remplaceront les stages. Financièrement, je redoute le contre-coup pour le club”, avoue Fabienne. La suppression des stages peut avoir un lourd impact, à l’image des 15 000 € en moins pour la période des vacances de Pâques. Sans compter l’activité de la buvette (25 % du chiffre d’affaires), qui risque de ralentir cet été, alors qu’elle attire habituellement les nombreux promeneurs du Parc du Héron. Malgré cela, la gérante garde le sourire… et l’espoir que les jours heureux reviennent au galop !
Lauren Muyumba