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C’est un monde à part que la fromagerie du mont des Cats. Ce mont, situé sur le territoire des communes de Berthen, Godewaersvelde et Méteren, accueille l’abbaye cistercienne Sainte-Marie du Mont-des-Cats depuis le début du XIXe siècle. Un monde où tradition séculaire et modernité se côtoient pour donner naissance à un fromage emblématique de la région. « On ne vend pas notre fromage mais on nous l’achète », aime préciser Henri-Luc d’Halluin, directeur général des lieux, seul laïc autorisé à pénétrer dans le cloître où résident les moines de l’abbaye. Cette précision a son importance. Pas de publicité, pas de marketing, pas de démarchage commercial… le fromage du Mont des Cats n’est pas un business, mais une tradition perpétuée par les moines trappistes qui se succèdent à l’abbaye depuis 1826. Il continue d’être la principale ressource de la communauté. Les revenus générés permettent de subvenir aux besoins des moines et d’entretenir le site.
La règle de Saint-Benoît, édictée au VIe siècle, règle le rythme de la vie monastique. En vertu de cette règle, les moines consacrent leurs journées à la prière et au travail, sauf le dimanche. Sept fois par jour, ils se retrouvent pour prier. Le processus de fabrication du fromage comporte de nombreuses étapes qui permettent aux moines de le fabriquer et de participer aux différents offices de la journée.
Le fromage Mont des Cats est né en 1849. Sa recette, mise au point au début du XIXe siècle, provient de l’abbaye de Port-du-Salut, en Mayenne. À ce titre, il fait partie de la famille des fromages trappistes. C’est une pâte pressée, non cuite, élaborée avec du lait de vache.
Aujourd’hui, sur les 23 moines que compte la communauté, 10 participent activement à la fabrication du fromage. Mais celle-ci exige beaucoup de main-d’œuvre. C’est pourquoi la moitié de la vingtaine de salariés laïcs que compte l’abbaye travaille aussi sur le site pour appuyer le travail des moines. Quatre fabricants se relayent à la tête du site de production, dont un moine. « C’est très important, explique Henri-Luc d’Halluin, car la recette se transmet entre moines. » Deux millions de litres de lait sont transformés chaque année pour fabriquer 200 tonnes de fromage.
À l’origine, le lait provenait d’un troupeau laitier appartenant à l’abbaye. Aujourd’hui, c’est l’entreprise Danone, dont l’usine est située à Bailleul (59), qui fournit le lait à la fromagerie. « Nous travaillons avec l’Union rouge flamande pour voir comment on pourrait intégrer en partie du lait de cette race locale dans notre approvisionnement », avance Henri-Luc d’Halluin.
Si la recette et l’organisation du travail préservent les traditions, la fromagerie est clairement entrée dans l’aire moderne, réglementation sanitaire oblige : marche en avant, contrôle qualité, matériel à la pointe… Le processus de fabrication, que l’on pourrait qualifier de « semi-artisanal » car de nombreuses étapes sont toujours réalisées à la main, respecte les codes de l’industrie agroalimentaire pour garantir aux consommateurs un produit sûr et de qualité.
Le lait livré est d’abord pasteurisé, puis vient l’étape du brassage et du tranchage au cours de laquelle, après ajout de la présure, des lames tournent dans une grande cuve. « L’objectif est d’obtenir un lait caillé avec des morceaux de la taille d’un grain de maïs », explique le directeur de l’abbaye. L’extrait sec et le PH du caillé sont scrutés de près par le fabricant.
Après cela, place au moulage et au pressage du fromage. « Le fromage est placé dans des moules microperforés afin d’extraire le lactosérum lors de la phase de pressage », avance Henri-Luc d’Halluin. Le produit est ensuite saumuré, avant de descendre en cave pour les dernières étapes clés.
Après quelques heures de séchage dans une première cave, c’est l’opération de barattage qui commence. Par deux fois, chaque fromage est trempé dans la morge, un mélange appliqué à la surface pour développer la croûte et donner sa couleur spécifique au Mont des Cats. Dans une deuxième cave débute l’affinage. Les fromages, placés sur d’épaisses planches d’épicéa, vont êtres retournés et brossés tous les deux jours. Les fromages sont ensuite déplacés dans une troisième cave avant d’être emballés et expédiés. L’affinage dure d’un à trois mois. « Nos fromages restent peu de temps en cave, avance le directeur. Mais ils pourraient vieillir plus. »
Récemment, pour créer de la valeur, les moines ont d’ailleurs décidé de construire une nouvelle cave pour affiner du fromage – produit à partir de lait d’été – plus longtemps.
Parmi les projets de l’abbaye figure la renaissance de la brasserie détruite au cours de la Première Guerre mondiale et qui n’a jamais été reconstruite. Pourtant, depuis 2011, les moines du mont des Cats proposent une bière trappiste dont ils ont confié la fabrication à l’abbaye de Scourmont (Chimay), en Belgique. « Nous avons un lieu, une histoire, il ne nous manque que la brasserie, mais pour l’instant, nous n’en sommes qu’au stade de la réflexion », prévient Henri-Luc d’Halluin qui rappelle que « les moines s’inscrivent dans le temps long ». Une philosophie qui semble rimer avec durabilité…
« Selon le cahier des charges, lorsqu’un ingrédient représente plus de 10 % d’une recette, il doit forcément provenir des Hauts-de-France », avance Virginie Dolbec, responsable qualité de la fromagerie. Autant dire qu’avec ses 98 % de lait, le Mont des Cats peut revendiquer haut et fort son caractère local. Grand Mont des Cats, Flamay, Dessert des trappistes, l’Affiné des trappistes et Grand affiné à la bière trappiste, les cinq références de la fromagerie sont estampillées Saveurs en’Or. Chaque année, l’audit mené par Saveurs en’Or « permet d’échanger », apprécie la responsable. « Nos produits sont testés par le laboratoire Adrianor, c’est toujours intéressant d’avoir leur retour », assure-t-elle.
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