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« Je ne me suis jamais posé la question. » Et quand on se charge de le faire, Sophie Merlier ignore comment elle aurait pu faire autrement que de s’engager. L’engagement, elle est tombée dedans toute petite comme Obélix dans la marmite de potion magique.
Née de parents agriculteurs en grandes cultures, qui déploient une toute petite activité de travaux agricoles, très localement et surtout histoire de rentabiliser les machines : c’était en 1972, à Bapaume, avant de grandir dans la ferme à Grévillers. Née d’une mère, surtout, qui sera « toute sa vie engagée au sein de Gaec et sociétés, association affiliée à la FNSEA ayant pour mission de promouvoir l’agriculture de groupe. Elle s’est battue toute sa vie », formule l’héritière.
L’agriculture n’est pourtant pas une évidence – « même si je ne m’imaginais pas que l’exploitation puisse disparaître » – et c’est le hasard des inscriptions qui la conduisent à suivre des études agricoles plutôt que généralistes, comme elle s’y préparait mentalement. C’est encore un hasard qui lui offre son premier emploi de formatrice à l’institut agricole d’Hazebrouck en tant que responsable d’un BTS action commerciale. « Ce n’était pas mon domaine mais comme je n’avais pas d’a priori, j’y suis allée », glisse celle pour qui l’ouverture est un réflexe. Sophie Merlier est alors tout juste mariée à Damien, agriculteur à Blendecques, où ils vivent.
Quand vient le temps de reprendre l’exploitation familiale six ans plus tard, du côté de Bapaume, la question de poursuivre l’activité de travaux agricoles ne se pose pas. « Damien avait bien mécanisé l’activité sur son exploitation et pouvait venir s’installer ici. J’ai repris l’exploitation de mes parents en 2001, lui a conservé la sienne et nous avons créé l’entreprise de travaux agricoles (ETA) et de transport agricole SARL Merlier-Lequette. » Une société qui emploie une cinquantaine de salariés aujourd’hui et qui intervient dans un triangle Lillers – Meaux – Abbeville en semis de précision, épandage, travaux liés aux oignons, aux betteraves.
Et une activité qui se tourne aussi de plus en plus vers la méthanisation (fauchage, ensilage) ainsi que le transport agricole. « Tout ça donne une quarantaine de moteurs sur la route chaque jour », calcule la cheffe d’entreprise, qui gère davantage le côté managérial et communication, quand son « binôme » de mari est clairement du côté des machines et de la technique. « Comme souvent dans les ETA », note celle qui dit n’avoir jamais vécu son statut de femme comme un frein. « Je trouve que les femmes peuvent globalement prendre leur place en agriculture encore faut-il qu’elles soient visibles, un autre sujet », estime la jeune quinquagénaire.
C’est son implication comme cheffe d’entreprise qui conduit, naturellement pense-t-elle encore, Sophie Merlier vers le Geiq 3A, (Groupement d’employeurs d’insertion et de qualification en agriculture et agroalimentaire), qui rayonne sur une partie du Nord-Pas de Calais et en bordure de Somme. « Le constat de départ était le manque de main-d’œuvre. Avec la création du groupement en 2013, nous avons pu accompagner l’insertion, parfois la reconversion par la formation. Nous avons choisi de travailler sur l’agricole et l’agroalimentaire pour leur complémentarité dans les saisons. » Un groupement d’employeurs simple a été constitué en parallèle, qui vise à pérenniser ces emplois. La présidente du Geiq 3A observe « les résultats d’un travail de fond » depuis un peu plus de dix ans et estime que « si les tensions existent toujours, elles sont moins fortes qu’alors. Un travail de fond qui profite à l’agriculture dans son ensemble ». Le Geiq 3A, c’est 66 équivalents temps plein créés en 2023. Et l’élue de formuler : « La ruralité vit de l’agriculture, qui vit aussi de la ruralité ».
A-t-on précisé qu’avant le Geiq, c’est sur les bancs de la chambre d’agriculture que Sophie Merlier a pris l’habitude de s’asseoir, élue parce qu’identifiée par ses racines maternelles ? « Pour découvrir les sujets dans leur globalité » et pas seulement d’un point de vue fermo-centré, c’est essentiel pour celle qui fonctionne en écosystème. C’est pour ça qu’elle aime tant avoir différentes casquettes : « Pour faire du lien entre les sujets, rebondir de l’un à l’autre », exprime celle qui est aussi présidente de la caisse locale du Crédit Agricole à Bapaume et, depuis 2015, conseillère régionale dans le groupe de la majorité Les Républicains et apparentés.
« Pas militante, encartée pour l’occasion, j’ai accepté pour faire du lien encore une fois », explique Sophie Merlier, saluant au passage la parité sans laquelle « beaucoup d’hommes auraient rêvé d’être à sa place ». Une casquette de plus pour peser, à sa petite mesure – elle n’est pas vice-présidente ni même présidente d’une commission – sur les sujets liés à l’agriculture, what else, et aux lycées. « J’aurais aimé siéger dans la commission des transports, ou des PME et de la formation mais c’était pris », regrette à peine celle qui apprend doucement qu’on ne peut pas tout faire. C’est pour ça qu’elle a attendu, presque sagement, que les réunions parents-profs de ses quatre enfants soient derrière elle avant de multiplier les engagements. Sans se poser de questions.
Justine Demade Pellorce