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Dans les champs, les premiers arrachages ont commencé pour les producteurs qui cultivent l’endive, la racine emblématique de la région. « L’été a permis de se rattraper, les semis avaient été compliqués », débute Philippe Bréhon, nouveau président de l’association des producteurs d’endives de France (Apef). Installé à La Couture, dans le Pas-de-Calais, le chef d’exploitation succède à ce poste à Catherine Decourcelle. Il constituera un nouveau binôme avec le directeur Pierre Varlet, également fraîchement arrivé au siège de l’Apef, à Arras.
« Les enjeux pour la filière sont énormes, souligne le président. Il faut redorer l’image de l’endive. » La communication se joue tant à l’interne qu’à l’externe puisque ladite image tend à se ternir, côté producteurs et côté consommateurs. Les premiers croulent sous le poids des charges énergétiques, s’inquiètent des suppressions de molécules annoncées sans être remplacées et peinent à recruter. Les seconds boudent l’endive, ou en tout cas, privilégient des sachets moins lourds, car moins coûteux.
Pour autant, « on n’a jamais autant vendu de sachets de 500 grammes », s’exclame celui qui confirme que le nombre de sachets vendus est stable mais le grammage a diminué. La faute aux charges, qui « ont tellement augmenté que le prix de vente a inévitablement grimpé et le consommateur ne suit pas toujours ». La grande distribution a joué le jeu, au moins dans un premier temps, concède le président de l’Apef. « Il n’empêche que le kilogramme d’endives paraît trop cher pour le consommateur, surtout s’il a gardé l’image de 0,99 € le kilo ! »
Les volumes sont en baisse et ont atteint 128 000 tonnes pour la dernière campagne. « Cette année, il a manqué d’endives l’été », reprend le président. Si la saison principale reste l’hiver le marché de l’été existe et fonctionne aussi à l’export. À titre d’exemple, les Italiens consomment autant d’endives l’été que l’hiver.
Sur les 300 producteurs de l’association, 95 % sont installés dans les Hauts-de-France. Neuf d’entre eux ont arrêté ces derniers mois, six récoltent pour la dernière année, décompte Philippe Bréhon qui relaie non pas « leur faillite mais leur ras-le-bol ».
Conséquence, lorsque la filière perd ses producteurs, elle peine à intéresser les firmes de produits phytosanitaires et les fabricants de matériel, regrette le producteur. C’est ainsi que le Movento, insecticide utilisé jusqu’alors, va disparaître des pulvérisateurs des endiviers. « Non pas qu’il soit interdit mais c’est la firme qui ne le soutient plus ». L’inquiétude porte aussi sur la disparition du Bonalan, qui ne sera plus utilisable dès le mois de mai 2024.
« Ce n’est pas qu’on soit des adeptes des produits phytosanitaires, assure Philippe Bréhon. C’est que pour l’instant, on n’a pas d’autre solution pour désherber – principalement – le chénopode, un fléau qui étouffe tout. » Et puis, il y a le puceron lanigère dont la menace plane les années sèches. Avec l’arrêt programmé du Safari, les endiviers devront trouver d’autres moyens de se débarrasser des ravageurs. « Deux molécules et un insecticide, additionne Philippe Bréhon. On va axer les recherches de l’Apef pour pallier ces suppressions. » Car c’est l’un de ses rôles principaux avec la communication et la structuration de la filière : la recherche et le développement.
Outre ces questions, les techniciens planchent aussi sur les problématiques énergétiques. « Ce qui coûte cher, c’est le refroidissement de la racine. C’est là que l’ingénieur du CTIFL (Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes, ndlr) fait des essais. » Après l’arrachage, les 15 jours de passage dans les salles froides sont les plus énergivores, plus encore que les trois semaines qui suivent lorsque la racine est chauffée dans la salle de forçage afin que poussent les endives. L’Apef alerte les pouvoirs publics sur les questions énergétiques en tentant de faire entendre sa voix. Et puis, la gestion de l’eau, toujours, « aux champs et dans les endiveries est une problématique », appuie Philippe Bréhon.
Pendant ce temps, l’arrachage des racines se poursuit. « On manque de pieds mais on a de belles racines, présage le président de l’Apef. On aura moins de déchets qu’en 2022 et on sera au moins équivalent en termes de racines. »
Louise Tesse