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La Chine refait ses stocks. C’est en partie la raison pour laquelle les cours de matières premières agricoles flambent. Sur le Matif, marché de référence, les cours ont atteint les 256 €/t pour l’échéance de décembre 2021. Du jamais vu depuis de nombreuses années.
« Nous nous trouvons dans une situation d’après crise de la Covid où de nombreux pays sont demandeurs de céréales, explique Jean Deray, directeur céréales chez le groupe Carré. On peut dire qu’on assiste au réveil de la Chine et de l’Asie en général, qui refait ses stocks. Tout comme le moyen orient qui a doublé ses achats de 3 à plus de 5 millions de tonnes de blé. »
Même constat pour l’Afrique du Nord, principal client de la France. « Les pays achètent le blé à plus de 400 euros la tonne, pour éviter de revivre le printemps arabe, les gouvernements achètent la paix sociale en nourrissant sa population mais jusqu’à quand et à quel prix ? »
Sur notre marché intérieur, la demande reste élevée avec notamment les fabricants d’aliments du bétail qui consomment beaucoup de blés fourragers, nombreux cette année.
Face à cela, de manière générale, les stocks des pays exportateurs sont au plus bas. C’est du jamais vu. Au total, on note un déficit de 8,6 millions de tonnes dans le monde par rapport aux années précédentes.
De plus, ces mêmes pays, ont quasiment tous subi un accident climatique . « Le Canada et les États-Unis ont subi une grosse sécheresse, la production est revue en baisse de plus de 10 millions de tonnes, explique Jean Deray. En Russie, même si c’est assez opaque, la production n’est pas aussi bonne qu’espérée (- 10 millions de tonnes également) et les taxes à l’exportation sont maintenues au moins jusqu’à Noël, ce qui incite les agriculteurs à stocker leurs marchandises. »
Finalement, seule l’Ukraine a fait une bonne moisson (+7,4 millions de tonnes) mais ne pourra pas combler l’appétit des pays importateurs. Toutefois, dans l’hémisphère sud, notamment en Australie et Argentine, les récoltes de blés s’annoncent bonnes voire très bonnes. Mais la potentielle marchandise n’arrivera pas sur le marché avant début 2022.
En Europe, la production est revue également en hausse de 15 millions de tonnes par rapport à 2020, mais l’année dernière la récolte avait été exceptionnellement basse. « Finalement, nos problèmes de qualité de blés risquent de ne pas trop être pénalisants dans ce contexte très demandeur, reconnaît le directeur des céréales. Même si nous subissions une décote, les prix sont déjà très élevés. »
Du côté du maïs, qui a un rôle très important cette année, la Chine, encore elle, a multiplié ses importations par quatre depuis la fin du Covid. « S’il n’est pas facile d’interpréter ces achats, on sait quand même que le pays cherche à être autosuffisant en viande de porc et doit nourrir leurs élevages » , interprète Jean Deray.
De l’autre côté du globe, le Brésil, un des principaux pays producteurs de maïs a vu sa récolte réduire de 5 millions de tonnes. Quant aux États-Unis et au Canada, la sécheresse a aussi joué les troubles fêtes pour cette culture.
En attendant les récoltes de l’hémisphère sud, les cours devraient rester aussi haussiers. « Je ne vois pas d’éléments à court terme qui pourrait plomber les cours, constate-t-il. L’inflation est générale, tous les prix des matières premières s’envolent et le fret également. Mais combien de temps ça va durer ? En janvier nous devrions en savoir davantage sur les niveaux d’emblavements, qui devraient être en hausse dans un contexte pareil, et les récoltes des autres pays. »
Si pour les céréales, les signaux sont aux verts, pour les oléagineux c’est également le cas. Le marché référent, celui des huiles a bondi de 40 à 45 %, passant la barre des 650€/t. « Le principal pays producteur, la Malaisie a réduit sa production faute de main-d’œuvre et de productivité, explique Jean Deray. Si l’huile a doublé de prix, la graine n’a pas de limite. Les triturateurs achèteront aussi cher la graine qu’ils pourront revendre l’huile.»
À cela s’ajoute une moindre production de canola au Canada (principal producteur de colza), pour cause de sécheresse. Toutefois, l’Australie, qui s’attend à une bonne récolte, risque de calmer un peu le marché en janvier.
La récolte de l’hémisphère sud qui devrait commencer en janvier sera décisive sur la tenue les cours aussi haut. Mais comme le disent les experts, « on a déjà atteint des sommets records en matière de prix des matières premières agricoles. »
Lucie Debuire