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Romain Lefebvre est né en 1987 à Bourbourg (59), sur le littoral, dans une famille de chauffagistes. Plutôt à l’aise dans les études mais pas du genre acharné, il suit le mouvement. ” Mes parents ne m’ont jamais poussé plus que ça, mais pour me mettre en sécurité ils pensaient bon de m’imposer des études supérieures.“
Romain a un frère, de huit ans son aîné, sorti major de promotion de l’école des Hautes études d’ingénieurs (HEI) de Lille. ” Moi, je visais plutôt l’Institut supérieur d’agriculture (ISA), j’avais notamment fait un lycée professionnel à Dunkerque, avec spécialité en SVT et j’aimais bien. ” Mais pour ses parents, “l’ISA c’était la ferme et ça ne les faisait pas rêver “. Alors il intègre l’équipe ingénieurs, avec spécialisation en génie des procédés chimiques.
Dans son école, le jeune homme doit prendre des responsabilités durant un an, c’est la règle. ” J’avais la réputation du dunkerquois qui aimait faire la fête, j’ai intégré le club biérologie. ” Logique. Et déclic. ” Je découvre alors un monde. Et je commence à fréquenter des bars spécialisés, ça a coûté cher à mes parents “, se marre le trentenaire.
Nous sommes en 2008, il existe une dizaine de brasseurs dans la région, déjà un salon dédié aux bières artisanales, le Fiba de Sainte-Marie-Capelle (59). Romain Lefebvre croise souvent les mêmes personnes, affine sa culture, puis voit déferler la vague des ” craft beer “, toutes ces micro-brasseries qui poussent ici et là. Parmi les pionnières, l’Écossaise BrewDog, on y reviendra. ” Et je sors de l’école dans les premiers, malgré la fête “, synthétise l’assagi depuis. ” Je ne savais toujours pas ce que je voulais faire, j’avais fait des stages dans l’industrie pharmaceutique, cosmétique. Je savais que j’aimais les processus de transformation. Je savais aussi que j’appréciais la bière, mais de là à en faire mon métier… “
Pendant ses études, Romain a construit une mini-brasserie avec son père, où il brasse régulièrement 60 litres qu’il fait tester aux copains. ” J‘ai fait des bières au piment, à la coco… je m’amusais. ” En 2011 il ne peut plus nier l’évidence et entre chez Heineken, à Mons-en-Barœul (59), comme ingénieur amélioration sur la ligne de conditionnement.
Un premier poste, mais bien loin du produit. ” L’ambiance sociale y était aussi très moyenne, bref ça ne m’allait pas “, se souvient le Nordiste. Au bout de six mois il décide d’aller vers l’artisanal. Seulement avec son diplôme d’ingénieur, toutes les micro-brasseries le jugent surqualifié. ” Alors je retourne sur les bancs de l’école, et je suis une formation en brasserie au lycée de Douai, puis j’enchaîne les expériences “, jusqu’à la pittoresque Brasserie à vapeur en Belgique. Il tente aussi sa chance, en passant, à la mythique brasserie BrewDog où il est accepté pour un stage. ” Une expérience sympa ” qui marque aussi son CV d’un quasi-sceau royal.
2008. Il intègre le club de biérologie de HEI Lille.
2013. Il est embauché à la brasserie belge Caulier (Bon Secours, Paix-Dieu) où il restera sept ans.
2022. En février il intègre la brasserie Peene Becque à Sainte-Marie-Cappel.
Le voilà prêt, légitime. Les propositions affluent dont celle des 3 Brasseurs, chaîne de restauration équipée de micro-brasseries. Lyon, Nîmes, Orléans puis l’ouverture de Saint-Quentin : Romain y passe une année, nous sommes en 2012. Une bonne expérience, mais le jeune homme veut alors se rapprocher de sa promise, et intègre la brasserie Caulier, à Mouscron (Belgique). C’est celle qui brasse la bien connue Paix-Dieu. ” Mon responsable décède rapidement après mon embauche et j’apprends sur le tas, en mode galère. Nous passons de 3 000 hectolitres à plus de 30 000 à mon départ sept ans plus tard. ” Car l’énorme succès de ce mono-produit ne convient plus au jeune homme qui fait un burn-out et “quitte un très bon poste pour (se) retrouver. “
C’est par hasard, en discutant avec le patron du Baron, brasserie et restaurant à Gussignies, vers Maubeuge (59), qu’une proposition tombe : aller brasser La cuvée des Jonquilles cette fois, une autre bière réputée, à plus petite échelle. Un rythme moins soutenu, davantage de créativité et de plaisir, l’équilibre est retrouvé. Et voilà que le confinement arrête tout. Romain Lefebvre habite alors Tournai (B), il attend son deuxième enfant, l’appel des sources hausse la voix.
Il aurait pu rejoindre n’importe quelle brasserie dans le secteur, mais Romain rencontre alors Manu, l’un des quatre associés en train de monter la Peene Becque, micro-brasserie qui ouvrira en 2022 à Sainte-Marie-Capelle, en Flandre. Manu lui parle du projet, Romain dit banco. ” J’aurais pu viser plus gros, mais l’important pour moi était de prendre du plaisir “, explique celui qui dit ” tendre à revenir à la terre “.
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Après des études très techno-ingénieur, après une jeunesse urbaine et festive, les racines rurales de sa famille poussent à mesure qu’il prend de l’âge. Alors il se forme en apiculture, cultive son potager et nourrit ses poules. Il fabrique son vinaigre de pommes et imagine avoir des moutons un jour, pourquoi pas. ” J’ai envie de diversifier mes plaisirs. Je m’intéresse à la transformation des produits et me suis fait un atelier de 35 m2 à la maison pour tout ça. “
En tête, la fabrication d’un fumoir et celle de couteaux, pour celui qui s’intéresse à la forge. ” Et un jour j’adorerais avoir mon mini-corps de ferme à moi. Tout ça n’aurait pas été compatible avec un poste d’ingénieur en usine “, analyse l’épanoui.
Justine Demade Pellorce