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Manon Loingeville en était persuadée : ” Je ne me voyais pas agricultrice, comme mes parents, diplômés de l’ISA, qui ont repris la ferme de mon grand-père, à Sercus (59), avec mon oncle et ont créé la SARL Bellevue. J’étais passionnée de maths, ma mère m’a conseillé de suivre des études de finance et de gestion.” Ce que Manon entreprend à l’ESDHEM de Lille. Elle ne s’y éclate pas.
Sa première expérience va tout déclencher. “J’ai effectué un stage chez Mealizy, une start-up installée à Euralimentaire, à Lomme. L’entreprise concevait des paniers de produits pour des repas prêts à cuisiner, comme Quitoque ou HelloFresh. J’adore cuisiner et élaborer des recettes. Je repérais les tendances et proposais des idées. Je gérais aussi le site internet et les réseaux sociaux. C’était très concret. “
En 2017, elle intègre l’Ieseg, l’école de commerce de la Catho, en troisième année, en marketing. Son année de césure, Manon Loingeville la coupe en deux. Pendant quatre mois, elle mène un projet humanitaire au Brésil, auprès d’enfants en danger, avant de se familiariser, entre autres, avec le référencement sur internet (SEO) lors d’un stage de six mois à Saveur Bière, à Fretin (59). Elle enchaîne avec un master en marketing digital et commerce, en alternance à La Redoute. “Je suis passée d’une start-up où tout le monde faisait tout, à un grand groupe, avec des tâches très fragmentées, très spécialisées.” En août, son master en poche, Manon se retrouve sur le marché de l’emploi.
À ce moment-là, l’entreprise familiale veut recruter un stagiaire pour mener à bien un projet en réflexion depuis trois-quatre ans : produire sur place des chips artisanales. Manon est recrutée comme responsable du projet. “ C’est parti d’un constat familial, quasiment d’un manque. Il existe beaucoup de produits alimentaires régionaux, mais pour grignoter à l’apéritif, il n’y a rien de local.”
Ce projet correspond à l’orientation prise par la Ferme La Bellevue qui ne vend pas sa production aux géants de l’agroalimentaire, mais trouve d’autres débouchés. Elle a ainsi investi dans une laveuse et réalise du conditionnement de pommes de terre en big-bags de 1,35 tonne ou en sacs de 15, 20 et 25 kg, à la demande. La fabrication de chips artisanales permettra d’aller encore plus loin dans la création de valeurs ajoutées. La matière première ne manque pas. Ici, on produit entre 3 500 et 4 000 tonnes de pommes de terre par an.
Manon n’est pas partie d’une feuille blanche : “J’ai repris les intuitions de ma mère, qui a suivi une formation en diversification, et les travaux des étudiants qui se sont succédé sur ce projet.“
Elle y apporte sa compétence marketing. “J’ai mené une enquête qualité auprès de 20 consommateurs. Ils souhaitent des grandes chips, épaisses et croustillantes. C’est ce que nous allons leur proposer : une chips gourmande, généreuse, qui reflète notre terroir et la gastronomie des estaminets.”
Le nom a été trouvé en interne : ” On voulait un nom simple à prononcer, qui permette de voir au premier coup d’œil qu’on était un produit français, fabriqué localement. Il s’est imposé de lui-même : chips Bellevue, du nom de la ferme.” Le packaging aussi est fait maison. Manon l’a “créé et donné ensuite à une amie qui maîtrise la création graphique.“
C’est bien beau, tout ça, mais quand pourra-t-on les goûter ? “Nous avons visité l’installation d’un agriculteur espagnol. Nous avons déposé une demande de subvention au Feader (fonds européens) pour nous doter d’une machine équivalente, mais on ne peut pas l’acheter avant que la subvention soit accordée. On ne commencera à produire ici au mieux courant 2023. En mai, on réalisera des essais chez un agriculteur français. On testera une centaine de kilos d’agria pour voir comment la pomme de terre se comporte et pour faire goûter nos chips à des commerçants locaux.”
Après, il faudra construire la ligne de production aux normes alimentaires. “Nous disposons du bâtiment pour l’accueillir“, se félicite Manon. Toutefois l’investissement est conséquent : 500 000 euros. Une somme à la hauteur de l’ambition de la SARL Bellevue qui veut produire 200 000 paquets de chips “made in Sercus” par an.
” On commencera par des chips nature, avant d’étudier d’autres saveurs“, révèle Manon. Elle reste sereine malgré la mise sur le marché, depuis novembre, de chips produites à Sanghin-en-Mélantois (59) : “La région est assez vaste pour pouvoir compter plusieurs producteurs locaux de chips artisanales. ” L’avenir promet d’être croustillant.
Hervé Vaughan
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