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« L’école n’était pas trop mon fort, on m’a proposé de poursuivre en cuisine, j’ai accepté… » Si la cuisine n’était pas une vocation pour Damien Laforce, qui se rêvait plutôt garde champêtre ou vétérinaire, le jeune homme va finalement vite y trouver son compte.
Il faut dire que celui qui est originaire des Flandres entretient un lien fort avec la nature. « Mes grands-parents ont joué un grand rôle dans cette relation, l’amour du bon produit, le contact avec le vivant. Ils avaient un potager de 4 000 m2, et grâce aux fruits et légumes qu’ils y cultivaient, ils étaient autosuffisants. J’ai été élevé aux bonnes choses. J’espère que ma vie sera aussi belle ! »
Visiblement, elle en prend la voie : Damien Laforce exerce son métier avec passion et conviction.
Sa carrière débute à l’auberge du Vert Mont à Boeschepe (59), aux côtés de Florent Ladeyn. « J’ai d’abord fait un stage et j’ai trouvé cela génial. Une révélation ! » Il y fera son contrat d’apprentissage.
Diplômé haut la main, Damien Laforce poursuit avec lui l’aventure en devenant le second de cuisine du Bloempot, à Lille, en 2014. Il y reste pendant deux ans. Puis il prend la tête des cuisines du Sébastopol, toujours à Lille. Au bout de 11 mois et à tout juste 21 ans, Damien Laforce est désigné « Jeune Talent » par le Gault & Millau.
Les médias s’intéressent à lui et il est contacté par les producteurs de Top Chef. Il se lance dans l’aventure en 2019 et est éliminé aux portes de la demi-finale. Mais il n’a pas tout perdu. L’émission lui ouvre les portes… des banques. Le jeune chef avait pour projet d’ouvrir son restaurant : « J’ai travaillé dur pendant des années, mais c’est finalement un mois et demi de tournage et un passage à la télévision qui m’auront permis d’obtenir un prêt… »
En 2012, Le Braque, en référence à la race de Marcel, son fidèle compagnon à quatre pattes, ouvre ses portes à Lille. Entouré de 10 salariés, « une petite famille » comme il aime dire, Damien Laforce s’efforce de proposer « une cuisine en sauce gourmande » avec des produits locaux et de qualité.
Pour la viande, il se fournit directement chez des producteurs locaux ou va la chasser lui-même avec Marcel. « Il y a beaucoup de débats sur la chasse. Je suis un amoureux des animaux, mais je suis capable de leur ôter la vie. Je prélève un infime pourcentage pour que la ressource soit durable et croissante. » Une viande qu’il transforme dans ses cuisines et qui se retrouve dans l’assiette des clients. Et avec le chef de 27 ans, pas de gâchis. Tout est utilisé : « Avec les arêtes et les têtes de poissons, on fait de la soupe ou du bouillon… Aujourd’hui, on ne sait plus diversifier ses menus, les gens achètent toujours le même type de viande. Avec ces comportements, on tue plus. On ne peut pas continuer comme ça », se désole le chef.
À la carte du Braque, les produits de saison sont aussi à l’honneur : « On peut faire de très bonnes choses avec des aliments simples. » Damien Laforce et son équipe partent également, de temps en temps, à la cueillette, « on adore, je prends le temps de leur montrer les bons coins ! » Les produits de saison sont ensuite cuisinés pour en profiter toute l’année : « On fait nos vinaigres, nos condiments… La saisonnalité, on la transforme au bon moment pour se faire plaisir toute l’année. »
Damien Laforce tente également de limiter au maximum ses déchets : « On est loin d’être irréprochable mais on essaie de faire de notre mieux pour créer un monde meilleur. Actuellement, on cherche une solution pour remplacer le film alimentaire. »
S’il s’éclate derrière les fourneaux du Braque, Damien Laforce ne manque pas d’idées pour l’avenir : « Mon projet de vie est d’ouvrir une chambre et une table d’hôtes, dans un endroit où je vivrais en autosuffisance avec mon potager, mes animaux… »
Une idée à laquelle il avait déjà pensé en ouvrant Le Braque mais qui finalement n’était pas réalisable. « Je voulais un terrain où cultiver des fruits et légumes que j’aurais servis au restaurant, avec quelques poules et cochons nourris avec les déchets de nos cuisines avant d’être mangés… Mais cela n’a pas été possible, les charges étaient trop lourdes, et je n’aurais pas pu servir mes animaux à mes clients pour des questions sanitaires. On nous fait manger de la merde élevée aux antibios qui ne voient pas la lumière du jour de leur vie, mais on nous interdit de servir des animaux élevés au grand air avec de bonnes choses… C’est fou que des lois comme ça existent, on marche sur la tête… »
En attendant que les lois changent, Damien Laforce s’est donné pour mission de faire découvrir de bonnes choses à ses clients pour un prix qui reste accessible : « Le midi, nous proposons un menu entrée, plat, dessert pour 32 €. »
4 octobre 2016. Naissance de Marcel, son braque, qui l’a inspiré pour le nom de son restaurant.
9 novembre 2019. Chasseur, Damien Laforce tue sa première bécasse dans les Côtes-d’Armor.
31 août 2021. Ouverture de son restaurant, Le Braque, rue de la Monnaie, à Lille.
7 octobre 2022. Cueilleur, le chef a trouvé son premier joyau de l’automne, un champignon très rare.
Hélène Graffeuille
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