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Diplômée d’une école d’ingénieur agronome, Anne Lieven ne pensait pas forcément s’installer sur la ferme de son père située à Étaples (62), sur les hauteurs de l’estuaire de la Canche. Certes, comme pour beaucoup d’enfants d’agriculteurs, l’idée qui lui trottait par moments dans un coin de sa tête.
En 2008, alors que son père approche de l’âge de la retraite, la question commence à se poser sérieusement. Anne est alors conseillère de gestion dans la filière agricole
Réfléchir à ce projet en couple, en discuter en famille… La décision est prise quatre années avant le départ de son père, Daniel Trollé, en retraite : Anne se lance dans l’aventure familiale. Un soulagement pour son père. “J’avais peur que les efforts réalisés pour cette agriculture biologique soient anéantis par quelqu’un qui reprendrait la ferme en agriculture conventionnelle“, confie-t-il, qui fut l’un des premiers à se convertir au bio en 1998.
Lire aussi notre article : Avant de s’installer, quel statut choisir ?
En 2012, Anne reprend donc les rênes de l’exploitation sous le statut d’entreprise individuelle. Son père l’épaule en tant qu’aide familial pendant deux ans, avec un salarié à temps plein. Cette mère de famille poursuit l’engagement de son père pour une agriculture plus respectueuse de l’environnement.
Face aux réticences des banques à accompagner un projet en bio affichant des rendements moins importants que ceux habituels de la région, ils choisissent le dispositif du prêt familial, plus simple et moins contraignant à mettre en place qu’un prêt à la banque.
Les biens ont été estimés par un expert agricole et le prêt consenti par ses parents “avec le même taux que celui du prêt bonifié“, précise Anne. Bien que ce dispositif soit un accord commun entre le cédant et le repreneur, il peut s’avérer compliqué pour la famille en cas de retard de paiement. “Cela nécessite d’en discuter en famille.” Heureusement, ses parents sont des interlocuteurs compréhensifs et impliqués. “Si j’ai un peu de retard, je ne vais pas payer d’agios“, confie-t-elle en souriant.
Pour Daniel, ce dispositif a simplifié la transmission. Un projet bien accueilli par ses frères et sœurs, heureux que l’exploitation puisse rester dans la famille.
Relire le premier épisode de notre série : Revenir sur la ferme de son grand-père
Pour cette gestionnaire, reprendre la ferme posait à la fois des questions techniques, pour réussir à être performante en agriculture biologique ; des questions financières, pour équilibrer les comptes, et avoir un revenu ; ainsi que des questions d’organisation du travail.
“Mon père travaillait beaucoup plus en nombre d’heures, j’ai fait le choix d’être plus présente avec mes enfants“, dit-elle. Anne a commencé par simplifier le système de culture en arrêtant la production de pommes de terre ainsi que la production de légumes de plein champ. Ce qui lui plaît le plus dans ce métier ? C’est de travailler dans la nature dans un cadre privilégié.
Elle est aujourd’hui à la tête d’un verger de 3,5 hectares, d’un élevage de 15 vaches blondes d’Aquitaine, de 50 hectares de terres pour des cultures céréalières (blé, orge et avoine) ainsi que des prairies temporaires pour la production de foin pour l’hiver. Cette production d’herbe lui évite d’acheter des fourrages à l’extérieur.
“La vulnérabilité par rapport au climat est ce qu’il y a de plus difficile. On vient de passer un été très compliqué. Il va falloir sans cesse s’adapter“, explique-t-elle. Pour faire face, elle participe notamment à des essais avec “Initiatives paysannes” pour produire du blé ancien, plus vigoureux que les blés actuels. Un travail de recherche et de diversification de longue haleine pour maintenir un modèle d’agriculture biologique performant qu’avait initié son père avant elle.
Victorine Alisse