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“Monsieur Mequignon. Je viens accueillir le ministre.” Dans le combiné, entre deux contrôles de sécurité, le maire de Fauquembergues raconte les dernières heures, pense déjà à celles à venir et s’astreint – c’est le jeu – au traditionnel déplacement ministériel post-catastrophe.
Cette fois c’est donc une “crue centennale” de l’Aa, qualifie l’également vice-président de la Capso (communauté d’agglomération du Pays de Saint-Omer) et vice-président du Département en charge de la ruralité, de l’agriculture, et du développement durable, sans encore pouvoir donner d’année de référence. Sa commune a été inondée mais “il n’y a pas de blessé, c’est le principal“, philosophe celui qui, dans la nuit de lundi à mardi, était encore “à 1 heure du matin à la maison de retraite pour jauger la situation et décider s’il fallait ou non évacuer les résidants“. Ce qui lui fait dire que “les élus de proximité, les pieds dans l’eau, sont là pour prendre les décisions.” Celle qu’il attendait à quelques minutes de recevoir le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu – qui poursuivait son tour des territoires impactés après une première étape dans le Boulonnais aux côtés du ministre de l’Intérieur avant un passage à Arques – était évidemment la reconnaissance de catastrophe naturelle et l’accompagnement dans la reconstruction.
Le scénario du début de semaine aura surpris tout le monde et si le niveau de vigilance rouge a été déclenché lundi 6 novembre vers 17 h, tout est allé très vite. En cause, une crue de l’Aa plus importante que celle de 2002 (les dommages avaient été estimés à 40 millions d’euros alors, ndlr). C’est la dernière référence en date, sur laquelle les équipements de protection ont été calibrés. “Les précipitations moyennes annuelles sont de 1 050 mm sur le secteur de Bourthes, où l’Aa prend sa source. Or depuis début octobre nous avons observé 376 mm, dont 200 mm en une seule semaine et 100 mm entre samedi et lundi, soit la moyenne du mois d’octobre“, situe Agnès Boutel.
“Rester humble face à l’impossibilité de se protéger totalement“, invite Alain Mequignon, le maire de Fauquembergue.
La directrice du SmageAa, le syndicat mixte pour la gestion des eaux de l’Aa, poursuit : “Alors que le débit moyen de l’Aa au niveau de Wizernes est par exemple de 5 m3, nous avons mesuré un débit de 82 m3/ seconde lors de cet épisode de crue.” Des précipitations exceptionnelles dans la durée et en quantité, tombées sur des sols déjà gorgés d’eau avec les pluies régulières depuis août et qui ont atteint leur limite d’infiltration. “Pendant un moment, les différents ouvrages ont contenu la crue, jusqu’à ce qu’ils soient dépassés“, résume Agnès Boutel.
Les bassins de rétention près des sources, 16 au total, ont joué leur rôle jusqu’à un certain point ; les dix champs d’inondation contrôlée ont, eux aussi, permis de retenir 610 000 m3 d’eau en bas des vallées, jusqu’à ce qu’ils soient complètement pleins. C’était lundi soir, vers 17 h 30 – 18 h. “Là, ils ont commencé à déborder et on s’est pris la crue de plein pot“, relate Alain Mequignon. “Nous avons déclenché notre plan de prévention, avons mobilisé la réserve citoyenne communale, appuyée des pompiers et du Département, mais nous n’avons pas pu protéger tous les bâtiments que nous souhaitions (par des planches numérotées glissées dans des rails dédiés et lestées de sacs de sable, ndlr), et même quand nous avons pu le faire, l’eau est montée au-dessus.” Résultat : une dizaine de maisons inondées et la nécessité, pour l’élu, de “rester humble face à l’impossibilité de se protéger totalement” des événements naturels. Il n’est d’ailleurs pas dit que le choix d’un recalibrage des ouvrages de protection soit retenu compte tenu du rapport coût / gain.
Du côté de Blendecques sur la rive droite de l’Aa, beaucoup de dégâts avec des dizaines de maisons inondées mais un bilan moindre qu’en 2002 grâce “aux digues de protection installées en 2021“, explique Agnès Boutel, et qui ont permis l’évacuation de “seulement” 120 habitants contre 700 lors de la dernière crue. Alors que l’alerte rouge avait été levée mardi 7 novembre dans l’après-midi et la décrue amorcée doucement, les regards se tournaient vers le marais audomarois où le niveau de l’eau commençait, lui, à augmenter. Moins haut et moins vite que sur l’amont de l’Aa, au cours plus sinueux et pentu, et avec tous les équipements de pompes et autres vannes en action, mais avec la promesse d’une très longue décrue à son tour. De nouvelles précipitations annoncées faisaient craindre la réactivation attendue du niveau de vigilance rouge, avec la crainte d’un deuxième épisode.
Justine Demade Pellorce