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De – 40 % à – 90 % de ventes pour le maroilles, selon les producteurs. « Chaque semaine, 57 tonnes ne sont pas produites », alerte Claude Béra, président du syndicat du maroilles. « Le moment est critique et, malheureusement, ce n’est pas la seule filière en difficulté dans l’agriculture », lance Marie-Sophie Lesne, vice-présidente à l’agriculture au conseil régional, qui monte au front pour soutenir la principale AOP fromagère des Hauts-de-France.
Le maroilles pâtit fortement de la disparition du débouché de la restauration hors domicile, qui écoule une grande partie des quelque 4 196 tonnes produites annuellement. Mais aussi de la fermeture des ventes à la coupe dans les grandes et moyennes surfaces. Les producteurs se retrouvent à brader à perte les pièces de 750 grammes, boudées des consommateurs, pour éviter de jeter le fruit de plus de cinq semaines de travail et d’affinage. L’entreprise Leduc chercherait ainsi à vendre les 350 000 euros de maroilles, en limite de consommation, dans ses caves.
Face à cette situation, la filière ne reste pas les bras croisés. « Il y a eu une mise en place progressive de points de vente de proximité qui connaissent un vif succès et on a encore la chance d’avoir de petits formats qui peuvent être vendus au détail », souligne Claude Béra.
Les maroilles fermiers s’en sortent mieux avec les circuits courts, marchés, ou livraisons à domicile, « un ou deux arrivent à maintenir leur production, mais c’est loin d’être la majorité. La vente directe est globalement une solution de dépannage, mais il va falloir réfléchir à tisser d’autres circuits de commercialisation, plus proches des consommateurs », poursuit-il.
La production de maroilles est aujourd’hui assurée a minima. Le lait que produit par exemple l’élevage de Claude Béra est transformé depuis le début du confinement en lait UHT, beurre et poudre de lait, « grâce à la solidarité d’une fabrique laitière à proximité ».
L’inconnue aujourd’hui, c’est la fin du confinement, et, dans la foulée, l’éventuelle reprise de la restauration hors domicile. D’autant que l’arrivée de l’été est déjà synonyme de fléchissement de la consommation. « La grande problématique est : quelle sera la demande dans un mois pour qu’on arrive à anticiper la fabrication qui nécessite plus d’un mois d’affinage ? », poursuit Claude Béra.
« On en appelle à la solidarité des consommateurs et des grandes et moyennes surfaces pour sauver cette filière qui écoule 80 % de sa production en région Hauts-de-France », annonce Marie-Sophie Lesne. La Région veut montrer l’exemple en s’engageant à multiplier par trois les volumes utilisés par les cantines des 236 collèges et lycées… quand ils rouvriront. Elle lance aussi cette semaine une grande campagne de communication pour valoriser les produits régionaux auprès des consommateurs et tenter d’inverser la courbe.
Autre piste d’action : le stockage. Marie-Sophie Lesne et Xavier Bertrand, le président de la Région, ont écrit au ministre de l’Agriculture et à l’Europe pour réclamer des aides d’urgence. « De nombreuses filières, comme la viande, les pommes de terre ou le maroilles, ont besoin de pouvoir stocker de la production, mais tout ça a un coût », estiment les élus.
Les fabricants de maroilles pourraient congeler le caillé aussitôt la fermentation faite, puis le ressortir plus tard pour le mouler et l’affiner. Le Saint-Nectaire le fait déjà. « Il faudrait des quantités énormes de congélateurs, et est-ce compatible avec le cahier des charges d’un fromage AOP ? », s’interroge Claude Béra, prêt à tout envisager pour sauver la filière.
Claire Duhar