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Dans son minuscule restaurant, caché au fond du Vieux-Lille (59), Nicolas Pourcheresse, ex-chef étoilé du Clarance, fait les cent pas. Nature et hirsute, le cuisinier tatoué attrape une pomme dans une cagette et se jette sur une chaise jaune moutarde. Le bloblotement tranquille des casseroles qui chauffent dans sa cuisine ouverte ne cache pas son agitation. Il souffle : “Le jardin est ravagé, avec la tempête, on a perdu toutes nos serres.”
Avec ses six tables, le restaurant gastronomique Le Vagabond propose “de goûter au plus proche en essayant d’aller toujours plus loin dans l’expérience” et sert une cuisine “brute, intense et toujours bienveillante ». Il revendique un approvisionnement local, voire personnel. “L’idée est d’être en autosuffisance végétale avec la parcelle de Hem qui fait 10 000 m2 », détaille le chef. Pour la troisième année consécutive, le cuistot, épaulé par Michel Martineau, chef de projet, cultive son propre jardin “permabio” avec des ruches.
Mais, voilà. “Mon maraîcher est parti ce matin. Actuellement je n’ai plus personne. Pour le remplacer, nous recherchons un temps plein et un temps partiel. Il serait bon d’avoir quelqu’un avec déjà des compétences et de l’expérience afin de lui laisser une certaine autonomie.”
L’offre d’emploi diffusée sur les réseaux sociaux et sur Indeed a fait remonter quelques pépites, mais le choix du chef n’est pourtant pas encore arrêté. “On recherche donc un temps plein à partir du mois prochain. C’est un peu comme la restauration, on a toujours deux coups d’avance sur les offres d’emploi.” Histoire de ne pas se retrouver bec dans la terre.
Et malgré l’engouement pour le bio et le local, pas si simple de trouver botte à son pied : “Il y a une vraie émulation sur le circuit court. La métropole lilloise est remplie de talents et en même temps une fois qu’ils sont sortis de formation, les maraîchers veulent tout de suite s’installer. Il n’y a pas d’intermédiaires, ils veulent trouver une terre directement et créer leur propre modèle. Pourtant, pour démarrer, avoir un salaire tous les mois, ça ne se refuse pas (le précédent touchait 1463 euros net par mois, ndlr). Il faut être plein d’espoir ! »
Une main aux fourneaux, un pied dans la terre, Nicolas Pourcheresse consacre un temps, précieux, à son jardin et ceux qui le cultivent. “Je serai d’autant plus présent pour assurer le management des arrivants, assure-t-il. L’idée, c’est qu’on établisse ensemble un plan de semences, la rotation des sols, ce qu’on y fait, ce qu’on veut y faire, ce que l’on va apporter comme diversité végétale. Cette année, on a une cinquantaine d’arbres qui arrivent, on va devoir s’adapter aux gros coups de chaud de l’été avec ces petits et grands fruitiers.”
Malgré un penchant pour les principes de la permaculture, le chef jardinier ne suit aucun modèle préétabli. Son professeur : l’erreur. “J’apprends sur le tas, le tas de compost ! C’est beaucoup d’expérience par l’échec. On a eu un automne très compliqué, il a beaucoup plu et on n’a pas su faire face à de gros problèmes de nuisibles. On cherche surtout à rééquilibrer la parcelle au fur et à mesure, il y a beaucoup de rumex par exemple. On a très bien réussi les racines, navets mais par contre pas la carotte.”
Circonspect sur le discours de nombreux restaurants qui mettent les produits locaux en avant, Nicolas Pourcheresse met les pieds dans le plat : “Chez beaucoup de chefs, c’est du flan. Moi, je veux aller plus loin et produire, mais je ne prétends pas être encore autosuffisant. Quand ce n’est pas produit au jardin, je le dis aux clients. En ce moment, on cuisine avec quelques légumes de conservation de notre production : soufflé aux oignons, tourte de radis noirs et pommes, gâteau de pommes de terre Charlotte, c’est tout. Il faut jouer la transparence. Le maraîchage c’est beaucoup de difficultés. »
Justement, c’est sur du concret que le chef attend les postulants : “Dans la branche maraîchage bio, il y a un paquet de rêveurs. C’est ce qui m’emmènera à poser certaines questions bien précises pour déterminer à qui j’ai affaire… Des compétences en permaculture, en agroforesterie, des connaissances sur les composts, connaît-il Jean-Martin Fortier. Sortir des choses de terre, c’est censé être une véritable passion, non ? »
Agathe Villemagne