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C’est dans ses bureaux à la mairie de Lille qu’Audrey Linkenheld nous accueille. La mairie, elle la connaît bien. Car si aujourd’hui elle n’y a plus de rôle, c’est là qu’elle a construit sa carrière politique. Pourtant, la cinquantenaire le redit : elle ne voulait pas que son engagement politique devienne son travail. Raté !
Si Lille a été le tremplin d’Audrey Linkenheld, c’est bien à Strasbourg que la future sénatrice naît et grandit. « Ma mère est allemande. Elle était assistante commerciale en France. Mon père était, lui, ouvrier dans l’imprimerie, en Allemagne », explique Audrey Linkenheld qui analyse déjà que son « attachement à l’Europe vient de là ».
Bonne élève, elle intègre une classe prépa HEC à Strasbourg : « J’étais la première de la famille à avoir le bac, donc pour choisir mon orientation, on a fait selon les conseils des enseignants. À ce moment-là , je n’envisageais pas de partir de Strasbourg. »
Mais la vie en décidera autrement puisqu’elle est admise à l’Essec Paris : « J’étais très heureuse de pouvoir découvrir la capitale ! J’ai fait un emprunt étudiant et je suis partie. L’Essec venait de s’engager, et c’était une première pour une école de commerce, dans l’apprentissage. C’est comme ça que j’ai atterri à Esso, au service marketing des lubrifiants moteur… Je n’étais pas toujours en phase avec mes collègues en ce qui concerne la politique… » Il n’empêche que cette expérience « me fait découvrir un monde que je ne connais pas du tout. J’apprends beaucoup. Et ça me soulage financièrement puisque l’entreprise paye mon école ! »
Après trois ans à Esso, la jeune femme se voit offrir un poste mais « j’avais hésité avec Sciences Po avant l’Essec alors je décide d’y aller pour y réaliser une maîtrise en section service public ». Cette dualité va suivre Audrey Linkenheld jusqu’à aujourd’hui : « Ce qui marque mon parcours c’est de faire le trait d’union entre le public et le privé car selon moi, on n’est jamais plus efficace qu’en s’appuyant sur les deux. » C’est en entrant à Sciences Po Paris qu’Audrey Linkenheld adhère au Parti socialiste et intègre les Jeunes socialistes.
Si le but après Sciences Po était de travailler dans des entreprises de conseils, c’est finalement à la mairie alors communiste de Romainville (93) qu’elle trouve un travail « au service économique. À l’époque, mon idée était de dissocier mon engagement politique et mon travail. Je trouvais qu’être militante c’était déjà efficace, je ne pensais pas du tout à être élue ou même à collaborer avec des élus ».
Et pourtant… En 2000, sa rencontre avec Martine Aubry change son orientation de carrière, au début un peu malgré elle. « J’ai été sollicitée pour aider Martine Aubry sur la préparation de la candidature de Lionel Jospin à l’élection présidentielle de 2002. J’étais dans l’ombre du service. Mon travail consistait en l’animation du parti et en une réflexion sur les projets de la campagne. »
Mais à la fin de l’année 2000, Martine Aubry, alors ministre de l’Emploi et de la Solidarité, quitte ses fonctions pour lancer sa campagne aux élections municipales de Lille. « Elle m’a alors proposé de la rejoindre pour travailler sur le développement économique de la ville. »
Pour quelqu’un qui ne voulait pas travailler dans la politique… « J’étais jeune et en réalité, ça ne me paraissait pas si engageant. Surtout, je travaillais sur des sujets qui m’intéressaient ! J’ai décidé de construire ma vie ici, à Lille. »
En 2008, elle est pour la première fois élue municipale en tant qu’adjointe chargée de la politique du logement et de la rénovation urbaine, puis, en 2012, elle est élue députée du Nord et devient également conseillère municipale déléguée au plan lillois de l’habitat. De 2017 à 2020, elle est conseillère municipale déléguée à la mixité et à l’innovation sociale. De 2020 à 2023, elle assume le rôle de première adjointe chargée des finances, de l’énergie et du climat, tout en étant vice-présidente de la métropole européenne de Lille (MEL) sur les mêmes thématiques. Depuis 2023, elle est sénatrice du Nord, affiliée au groupe socialiste, écologiste et républicain, siégeant à la commission des lois et à celle des affaires européennes. Parallèlement, elle préside le groupe Métropole durable et solidaire à la MEL.
Ce parcours politique, Audrey Linkenheld l’affirme : il est guidé par son militantisme. « Être élue, cela m’a intéressé en tant que militante d’abord : je mesure très bien la différence entre perdre et gagner une élection du fait de mon militantisme. »
Militante dans l’âme donc, Audrey Linkenheld s’inquiète de la montée de l’extrême droite mais, étant élue, elle avance des solutions : « Il faut répondre aux préoccupations des citoyens sans utiliser les outils de l’extrême droite, c’est-à -dire le populisme et la démagogie. Les institutions doivent rappeler quel est leur rôle et pourquoi elles sont là . On a tendance à oublier que la démocratie et la République ne vont pas de soi et ne sont pas éternelles. Cette société qu’on critique facilement, c’est la même société qui fait qu’on a des hôpitaux, l’école, des espaces verts… Ce n’est pas automatique, il pourrait en être autrement. »
églantine Puel Epuel@terresetterritoires.com